Dans un entrecroisement entre sources premières 1 et sources secondaires 2, l’anthropologie politique de l’altérité peut s’appréhender dans le cadre d’une réflexion sur les imaginaires sociopolitiques de l’islam, en particulier celui de l’islam classique- par ce syntagme nous voulons caractériser non pas une époque mais une narration de l’époque : celle-ci à visée normative et socio- symbolique a été un mode de mobilisation de l’imaginaire collectif ; notamment dans le rapport anthropologique de l’islam vis-à-vis de ses altérités. La notion d’altérité du latin alteritas, qui signifie différence, l’alter, l’autre a pris une coloration à la fois fondamentale et tragique : constituant notamment un véritable paradigme de l’histoire de l’Europe communautaire après la Shoah et les désastres du siècle des génocides que constitue le XX siècle. Les rhétoriques belligènes ne sont pas sans conséquence non seulement politique, mais aussi tragiquement humaine dans son acceptation la plus universelle. Cette définition surchargée d’épreuve pour paraphraser la belle formule gaullienne, a sans doute aussi été utilisée de manière trop téléologique concernant le passé proche, ou pour reprendre Racine le paysage éloigné qu’est le passé. D’où, des lunettes pas trop grossissantes sur une lecture que je qualifierai de sartrienne de l’altérité où il est demandé à l’individu et à toute analyse de la société d’hier de souscrire à la définition contemporaine de l’altérité en termes de reconnaissance politique et culturelle. Ne pas souscrire à cette doxa interprétative serait basculer dans une approche pour le moins relativiste de l’histoire des sociétés, je ne souscris pas à cette vision totalisante de l’historiographie 3 . Il s’agit de penser la question de l’altérité dans l’humus contextuel de l’époque 4 en utilisant d’ailleurs le terme avec prudence afin de ne pas verser dans ce que Lévi Strauss qualifie d’absolutisation de l’altérité, soit dans l’acceptation soit dans le rejet tout aussi radical, c’est-à-dire une mise à la marge du politique donc du monde social à un moment donné de l’histoire 5 : « La société (…) se joue à elle-même la comédie de les anoblir au moment où elle achève de les supprimer, mais n’éprouve pour eux qu’effroi et dégoût quand ils étaient des adversaires véritables (…) Qui voient dans l’absorption de certains individus détenteurs de forces redoutables le seul moyen de neutraliser celles-ci et à même de les mettre à profit » une « anthropoémie d’expulsion » 6 . Le droit à la différence absolue est le paradigme à partir duquel se déduit le comportement normatif allant dans le sens de l’inclusion ou de l’exclusion absolue. Cela renvoie l’individu-sujet à un matériel-objet restreint à son seul être social, incapable d’établir une distance vis-à-vis de soi-même, et de connaitre l’autre ; d’où un racisme implicite entre indigènes exclus, définis par leur culture, et les occidentaux capables de se détacher de la leur, de la critiquer, de comprendre la relation entre elle et les autres : « Lorsque les sociétés prennent le parti d’expulser ces êtres redoutables hors du corps social en les tenant temporairement ou définitivement isolés, sans contact avec l’humanité dans des établissements, destinés à cet usage » 7 .
Déterminer ce type de sujet narratif c’est éviter à tout le moins de donner à la question de l’altérité une formulation pas trop évidente et définitive tant le sujet est inscrit dans la mobilité des contours des sociétés et qu’elle ne saurait être une entité fixe déterminant de manière a priori les jeux et les enjeux des acteurs de l’histoire. Je donne volontiers l’exemple du grand philosophe et théologien juif de culture arabo-andalouse Maïmonide : il se convertit quelque temps à l’islam de peur d’encourir les persécutions des almohades mais sa pensée est récusée par la pensée juive notamment par Isaac Abravanel au XV e siècle, non pour cet acte admis dans des temps obscurs, mais par cette trop grande place donnée à la philosophie dans le « Guide des égarés » son opus magnum : sa volonté de dérouter le lecteur malveillant lui donnant une réputation d’athée 8 .
Au-delà des effets juridiques du statut de dhimmis, Maïmonide eut à pratiquer comme le démontre admirablement Léo Strauss, l’art de l’exotérique et de l’ésotérique afin de se garantir un public profane tout en infusant sa philosophie dans son écriture sans encourir les persécutions politiques et les réfutations de sa communauté : « La persécution donne ainsi naissance à une technique particulière d’écrire et par conséquent à un type particulier de littérature, dans lequel la vérité sur toutes les questions cruciales est présentée exclusivement entre les lignes. Cette littérature s’adresse, non pas à tous les lecteurs, mais seulement aux lecteurs intelligents et dignes de foi. Elle a tous les avantages de la communication privée sans avoir son grand désavantage – n’atteindre que les relations de l’écrivain. Elle a tous les avantages de la communication publique sans avoir son plus grand désavantage – la peine capitale pour son auteur » 9 .
Cela suppose de présenter tout d’abord la perspective méthodologique que nous chercherons à éviter, le normativisme et une certaine définition substantialiste de l’histoire du droit en tant que réceptacle auto institué de l’histoire politique, l’histoire des représentations et l’histoire des idées. Cela induit de ne pas restreindre le sujet à la narration doctrinaire des Fuqaha (juristes) et de l’ordre juridico-éthique institué. A contrario, cela consiste pour nous à penser le cadre d’une anthropologie politique de l’islam dans sa phase classique en présentant non pas une démarche définitive sur un sujet à la fois vaste et complexe, mais une série de questionnement basée sur des phases de temporalités précises.
Nous nous préoccuperons de narration, plus précisément une forme politique narrative apte à définir une collectivité publique par le truchement de volets juridiques, culturels et symboliques avec en primat le rôle du droit dans ses dénominations politiques et anthropologiques: Le droit en tant que modèle normatif organisant les institutions publiques, les modes politiques de la guerre et de la paix, les règles statutaires des minorités non musulmanes ; le droit en tant que forme adaptée et évolutive sanctionnant l’évolution territoriale, politique, culturelle de l’empire abbasside ; le droit configuré dans son acceptation de la Oumma (la communauté des croyants), c’est-à-dire pour reprendre la formule de la sociologie de la religion : le croire.
En effet, il est important de ne pas inférer par le terme d’islam une globalité encadrante qui induirait une judiciarisation de l’espace politique, cela serait une mauvaise perspective, comme le souligne pour une autre période (XIX e siècle) Josh Fish : «Il n’a probablement jamais été un Etat islamique dans laquelle l’administration de la justice pénale a été guidée uniquement par la sharia.
La pratique judiciaire a toujours été basée sur d’autres lois, découlant de la coutume, la décision du souverain ou même – en dépit de son interdiction en théorie – une type de législation » 10 .
Dans ce processus d’institutionnalisation, la forme narrative (par la chronique, l’exégèse, les textes de pensées, les sources administratives et politiques, les textes juridiques) devient une frontière de démarcation face à ce que les groupes sociaux perçoivent comme une société globale et uniformisatrice. Dans cette multiplicité de définitions, la mémoire que l’on qualifie de mémoire d’origine s’effectue forcément d’une manière conventionnelle, délimitant les contours sociaux et culturels de la mémoire du groupe. La transmission d’une mémoire se construit sur ce type de représentation. Pour Halbwachs, la mémoire historique est au premier abord une mémoire psychologique et de faits, continuellement revisitée pour correspondre aux besoins actuels, elle est une reconstruction du passé faite en fonction du présent du groupe 11 . La mémoire est dans une logique de l’expérience, c’est-à-dire des événements vécus par les individus et par le lien social.
Elle est à la fois faite de ruptures et de changements, permettant la visibilité des repères chronologiques périodisés selon un principe externe. Les interprétations du passé sont constamment réinventées dans nos mémoires actuelles. Dans cette optique, la silsila (chaîne de transmission) est un modèle anthropologique qui se rattache à la pensée classique. A partir de la référence coranique s’est organisée un mode de transmission centré sur l’oralité comme acte de piété afin de propager la religion dans toutes les sphères de la Cité. La silsila constitue le moyen de pérenniser le geste prophétique qui réside dans l’effort constant de la mémoire (Sunna, hadiths, da’wa, dhikr) et par la récitation des versets (Tertil, tajwid). Cette forme de disposition a peu à peu pris l’aspect d’un « va-et-vient » historique entre texte et contexte. La pensée islamique s’est appuyée sur le contexte (Empire Abbasside, dilatation des frontières impériales) dans la période d’expansion pour élargir la silsila aux différentes formes de la pensée universelle (Sciences, mathématiques).
Dans une seconde phase, la silsila se restreint au texte (le Coran) lorsque le contexte est défavorable en matière de déclin politique (prise de Bagdad par les Mongols, perte de l’Espagne musulmane) et de crise intellectuelle. La chaîne de transmission dans le cadre de ce processus narratif sur le « déclin » vise à conserver ce qui est présenté en tant que pensée classique, c’;est-à-dire légitime, devenue mémoire de la grandeur d’une civilisation orpheline de son passé 12 . La chaîne de transmission 13 permet de dresser la liste des références (dates, lieux, ouvrages) qui certifie la légitimité d’une confrérie, d’une famille, d’une pensée. Attestant d’une généalogie symbolique, la référence à la chaîne des Sharif (descendants du prophète) permet politiquement de légitimer les formes de pouvoirs (intellectuels, politiques). La silsila participe à un récit de l’orthodoxie légitime qui se cartographie autour de l’interprétation canonique du Coran ou de la Sunna (tradition) basée sur le corpus historiquement élaboré de la shari’a transmise dans sa jurisprudence (fiqh) par les oulémas. Dans ce cadre, les muhaddithun (rapporteurs des faits et gestes du prophète) sont au service de la transmission symbolique et lignagère permettant le rattachement des générations par l’entremise de figures emblématiques, sources d’imitations, de références et d’enracinement. Par exemple, concernant la pensée d’Al Ghazali, toute discussion de ses travaux passe au préalable par la recension de sa silsila, qui est à la fois source de la légitimité religieuse et scientifique. Ash’ari (décédé 935) qui fut notamment la référence de son élève Al bakillani, cadi ou juge (décédé 1013) dont le disciple est Al Djuwayni (décédé en 1085) dont le disciple est Al Ghazali (décédé en 1111) dont le disciple est Abu Bakr in Arabi (décédé en 1148). Pour un autre courant idéologique traditionaliste, la généalogie se rattache à Ibn Taymiyya dont l’élève le plus connu fut Ibn Kayyim al Djawziyya (décédé en 1350) dont le disciple le plus cité fut Ibn Radjab (décédé en 1392).
Afin de situer tel penseur dit « traditionaliste », la généalogie d’Ibn Taymiyya sera utilisée dans une double référence aux temps classiques (Ibn Hanbal) et aux temps contemporains (Abdel Wahab) ; continuum dont le caractère explicatif vise à tracer une généalogie légitime en termes religieux et épistémologique. Dans ce cadre l’Histoire remplit un rôle de préservation sociale, essentielle : elle perpétue la conscience d’appartenance à une collectivité.
Dans un autre volet concernant directement l’anthropologie du politique, les formes narratives de souveraineté relèvent à notre sens de deux principales définitions nomothétiques : religion et civilisation/ dynasties et cultures. Ces deux catégories se rejoignent pourtant dans une certaine narration islamique de type juridico-théologico-politique, du moins dans la vision qu’elle a de sa propre histoire en termes de causalité, finalité et modus operandi. Il s’agit de distinguer entre le pouvoir et la politique ; le pouvoir en tant qu’incarnation de la Oumma, de l’impérialité islamique garante de la foi et de l’expansion de la croyance ; et la politique incarnant le bon gouvernement des hommes qu’il s’agit de penser en tant que vademecum du Prince, qui guide par gros temps mais aussi par temps calmes, des gouvernés qu’il faut bien traiter sans pour autant que cela induise (notamment pour el Ghazali) que le Prince ait quelques efforts à faire en terme de bon gouvernement. La politique instance théorisée dans ses principes d’autonomisation, et de conduite théorisée dans le concept de syesa charya.
Dans un premier aspect, nous brosserons à gros traits, j’en conviens, les deux temporalités sur lesquels nous penserons la question de l’altérité en terre d’islam classique. L’Etat islamique dans sa vocation impériale et universaliste (VIII-X siècle) définit une politique active d’unification et d’organisation de la société. L’identité religieuse, culturelle des différentes populations assujetties est formellement mise en subordination au nom de l’idéal impérial omeyyade puis abbasside (noms des successives dynasties). L’Etat califal présente toujours une légitimité universelle qui se veut en charge de la souveraineté spirituelle et physique de l’Oumma (communautés des musulmans). Il se situe comme modèle en surplomb délimitant le domaine légitime de la souveraineté au-delà des différents localismes et cultures coutumières. Ainsi, il constitue le référent administratif et idéologique d’une pluralité identitaire et communautaire. La transmission se constitue autour des hommes de savoir, tel l’alim (docteur de la foi) et l’aristocratie religieuse reconnue. La socialisation par les références communes s’organise dans le cadre déterminant de liens d’affinité éthico-politique. Les « valeurs » 14 deviennent l’outil d’un coup de force symbolique visant à légitimer l’orthodoxie du groupe social. Seule prime l’appartenance au groupe, représentée comme la condition nécessaire et vitale pour la survie de l’identité islamique personnelle, la référence coranique vise à situer un modèle 15 .
De manière générale, l’époque de l’expansion allant du VII e siècle au milieu du X e siècle est marquée par des objectifs militaires et diplomatiques avec l’emploi d’ambassadeurs, d’espions, et de guerriers, voire de mercenaires. Une fois la conquête ou l’accord d’alliance établie, se met en place une politique d’enquête géographique afin de cartographier les terres et porter la « bonne parole » de la vraie « foi ». Le second temps, entre le XI e siècle et le XV e siècle, voit la fragmentation d’un modèle narratif unitaire. En effet, la question du déclin dans la cosmologie de l’islam revient souvent à penser la division comme facteur explicatif originel. Dans la droite lignée de la culture de l’Ijma’a (Consensus) les théologiens tels que ibn Taymiyya 16 ont souvent lié déviation de la pensée (et donc son illégitimité) et expansion de la dissidence, comme deux aspects complémentaires de la « catastrophe annonciatrice du déclin », milieu du XIII e siècle.
Dans ce cadre, l’espace chronologique de la civilisation de l’islam se situe sur une double temporalité : d’une part le temps mosaïque et légendaire, et d’autre part le temps politique et juridique légitimant à différents niveaux la place centrale de l’islam dans le récit du monothéisme qui d’Abraham à Jésus définit la chaîne de transmission des prophètes de Dieu 17 .
Le temps mosaïque et légendaire : Dans le Coran se juxtaposent les figures principales de l’Ancien et du Nouveau Testament : Adam, Noé, Abraham, Moïse, Jonas ; et d’autre part dans le Nouveau Testament, il y a Jésus (‛Isā) et sa mère Marie (Mariam), notamment. Le récit de ces figures atteste de la puissance de Dieu au travers du geste des prophètes. C’est le temps de l’origine du monde et de l’islam, c’est-à-dire d’un modèle universel où Dieu se veut action et verbe dans la réfutation du polythéisme. « Le temps de l’ignorance» (jâhiliyya) païenne qui définit l’époque antéislamique où la vérité du message de Dieu se serait perdue dans l’idolâtrie et le polythéisme. Enfin, le temps de l’islam né de l’hégire (exil à Médine) qui, à partir de 622 restaure et clôt dans la cosmologie islamique le temps prophétique.
A partir de cette histoire mémorielle, la communauté humaine ne peut trouver son centre qu’autour de l’islam : la religion des soumis à Dieu. Au début, c’est-à-dire du vivant du Prophète, l’altérité est représentée par des tribus arabes judaïsées ou christianisées, à Médine et dans la région du Najrân. Par conséquent, les gens des « religions révélées » appartiennent aux gens du Livre ou Ahl al-kitâb. Par ce nom, le Coran et la terminologie musulmane consécutive désignent les Juifs et les Chrétiens, détenteurs des livres (kitâb = livre) révélés antérieurs: al-Tawrât (la Torah), al-Zabûr (le Psautier), al-Indjîl (l’Evangile) 18 . Dans ce contexte, l’insoumission (Siba’a) de certains peuples païens ne se référant pas aux Livres (révélés) est assimilée à la non-islamité ou de manière plus grave à la non orthodoxie. Le principe absolu reste celui du consensus unanime de la communauté (ijmā’), tempéré par la délibération de l’assemblée (Ma choura).
Le temps politique et juridique : L’islam et son modèle de souveraineté supposent que les « Autres religions monothéistes » en minorités acceptent sinon la conversion à l’islam, du moins le statut d’infériorisation juridique qui en découle (Dhimmi). La dhimma, contrat par lequel « la communauté musulmane accorde hospitalité et la protection aux membres des autres religions révélées, à condition qu’eux-mêmes respectent la domination de l'Islam » 19 . Cette politique institue l’organisation de taxes applicables uniquement à la population non musulmane : impôt foncier (kharâj) ou de capitation (djiziya), celui-ci étant par ailleurs supprimé en cas de conversion à l’Islam. Cette modalité, si elle est pratiquée, tient moins au dogme intrinsèque de l’islam qu’à la volonté de l’Etat islamique de lier durablement la loyauté politique et l’affiliation religieuse : Le principe de l’autorité légitime présuppose une autorité qui par principe amalgame rébellion politique et dissidence religieuse. Chronologiquement nous pouvons donner quelques repères historiques ; le pacte de Médine 20 en 622 établit un premier repère de la narration politique et symbolique, elle signifie à la fois l’établissement d’un consensus et la tentative d’une normalisation de possibles dissensus. Ainsi au moment où le prophète Muhammad s’installe à Médine (Yatrib), il fut décidé la rédaction d’un texte connu sous le nom de constitution de Médine : il fut un premier exemple d’alliance politique (622) entre la petite communauté de musulmans et les populations juives et chrétiennes de Médine, ceci dans le contexte de la lutte contre les Quraychite de La Mecque. La définition donnée par la tradition (Tabari) veut que Muhammad ait voulu intégrer dans la Oumma, c’est-à-dire dans la communauté des croyants, toutes les autres religions. La démarche tourna court sur la direction politique et spirituelle de cette esquisse de communauté politique, en 624 une des tribus juives, les Qaïnoqa, ayant selon Tabari moqué le manque de combativité des musulmans à la bataille de Badr (624). Ceci conduisit à une détérioration de rapport qui s’amplifia après la défaite d’Uhud (625) : elle fut sanctionnée par l’annonce successive de versets clairement hostiles 21 et l’expulsion des tribus juives de Médine accusées de pactiser avec les ennemis du prophète.
Les règlements du calife Omar rapportés par Turtushi (m. 1126), considérés en tant que traité signé en 717 entre le calife Omar II Ibn Abdel Aziz (682-720) et les « gens du livre », étaient censés s’appuyer sur le texte du troisième calife Omar Ibn Khattab. Nous délaisserons la question de la casuistique et des diverses interprétations par les docteurs de la Loi (fuqaha) : des quatre grandes écoles organisant le droit musulman (fiqh) à l'époque classique 22 . L’essentiel pour nous est d’appréhender ce cadre en termes de gestion du statut de dhimmi qui s’inscrit dans un cadre normatif et fiscal avec le paiement de leur part d’un impôt de capitation et l’ajout de couleurs distinctives : bleu pour les Chrétiens et jaune pour les Juifs. Pour éviter les téléologies douteuses, on peut à ce stade se référer au maître de Mohammed Arkoun, le grand orientaliste Claude Cahen, historien de l’islam médiéval: « Dans l’ensemble, la condition des dhimmis jusque vers le VI/XII e siècle en Occident, le VII/XIII e siècle en Orient, a été, bien qu’instable dans ses modalités secondaires, dans l’essentiel satisfaisant, si on la compare, par exemple, à celle de la minorité juive, plus exiguë il est vrai, dans l’empire byzantin voisin. » 23 .
Au-delà de ces textes, le principe de la conversion permet de tracer la limite de ce qui est acceptable et de ce qui ne l’est pas. Ce cadre de légitimité permet de définir un modèle identitaire idéal où le sujet de la souveraineté ne peut s’accomplir qu’à la condition de pouvoir être accepté dans la cité de « l’homo islamicus ». De ce fait, la conversion du musulman vers une autre religion (tant celles qui ont « précédé » l’Islam que celles apparues par la suite) est d’autant plus répréhensible religieusement qu’elle est dangereuse politiquement : car elle induit une remise en cause radicale du comportement idéal de l’homme et du sujet.
A partir de cette construction cosmologique, l’Autre dans la science arabe se construit par la Géographie (jughrafiya née au VIII e siècle) qui se définit par l’« arpentage de la terre ».
Dans cette seconde phase, voyager n’est alors pas considéré comme un décentrement mais plutôt comme un dépaysement permettant par le récit de voyages de réfléchir de manière spéculative sur l’avenir des Hommes et de leur place sur cette terre. Ces expéditions sont composées de marins, de commerçants et de pèlerins issus des différentes régions de l’empire (Perse, Maghreb, Syrie), persuadés de représenter la Société avec un grand S ou plutôt la Oumma avec un grand O, civilisés et universels, dont le califat symbolisait l’unité ; l’islam représentant la grandeur, Bagdad la splendeur. Pour ces géographes découvreurs (Ibn Fadlan, Al Ya’qubi), cartographier le monde vise d’abord à donner l’information la plus factuelle, la description la plus précise des différents horizons géographiques ; que ce soit au Sud (Côtes de la Afrique, Afrique Subsaharienne) au Nord (De Byzance au Caucase) à l’Est (Océan indien, Chine). Si la notion de ahl al kitâb (gens du Livre) rattache l’islam aux deux autres monothéismes, certes l’islam classique dans sa pratique politique et juridique génère selon les termes de Massignon un « tolérantisme dédaigneux pour les gens du Livre ». Pour autant, comme le souligne justement l’historiographie 24 , les cercles du pouvoir politique notamment à Bagdad au IX e et à Séville au XI e siècle ont été des espaces d’inclusions majeures de certaines élites juives et chrétiennes. Ainsi, concernant les relations du monde musulman avec les pays proches et lointains, se configuraient différentes lectures de l’altérité représentées dans l’imaginaire islamique. La géographie permet la production de civilisation, de frontières entre Dar el-Islam et Dar el-harb, entre les terres cartographiées dans la cosmologie des princes et les différents « terra incognita » localisées dans le monde. L’Autre comme objet exotique n’est retenu qu’en fonction des différences que « le civilisé » (les géographes musulmans de l’époque) juge les plus insolites par rapport à sa propre norme. Distance qui motive alors cette production des « merveilles » dont les Milles et une Nuit semblent être le récit paradigmatique.
L’autre est dans la droite lignée des Grecs un moyen de comparaison et de délimitation civilisationnelle entre le centre du monde civilisé (Bagdad) et la périphérie.
Dans la construction des savoirs gréco-arabes, il n’existe pas d’un côté les savants, et de l’autre, les philosophes. Il y a un modèle général spéculatif qui partage dans un corpus commun, les objets, les modes de définitions, une même manière d’argumenter. Dans ce mouvement de l’activité spéculative, se trouve, à leur place et selon leur ordre propre, la métaphysique, la géographie, l’histoire des civilisations qui, à différents degrés, organisent la cosmologie générale de « l’homoislamicus ».
L’Autre dans la pensée islamique : le temps du déclin et l’accentuation binaire de la cartographie mentale.
Le second temps, entre le XI e siècle et le XV e siècle, voit la fin d’un rêve d’unité politique, spirituelle, et intellectuelle : dans ce cadre socio-symbolique le sac de Bagdad en 1258 symbolise cette fin de cycle. La question du déclin dans la cosmologie de l’islam revient souvent à penser la division comme facteur explicatif originel. Le paradigme de la fitna devient une clé utilisée de manière permanente jusqu’à certains politologues actuels pour diagnostiquer les dangers d’une pluralisation de l’espace islamique. Pourtant, il suffit de voir le modèle de l’Europe protestante du XVII e siècle pour comprendre que modèle de pluralité et l’expansion civilisationnelle ne sont pas antinomiques. Le culte de l’unité n’est-il pas au contraire la source de cette crise ? Crise qui est d’abord dans la sphère arabe 25 .
Comment dans cette phase présentée abusivement comme « décadente » 26 les musulmans d’alors se représentaient-ils l’Autre ?
Dans la droite lignée de la culture de l’Ijma’a (Consensus) les théologiens tels que ibn Taymiyya ont souvent lié déviation de la pensée (et donc son illégitimité) et montée de la dissidence, comme deux aspects complémentaires de la catastrophe annonciatrice du déclin au milieu du XIII e siècle. 27 Pourtant, il n’est qu’à voir le modèle de l’Europe protestante du XVII e siècle pour comprendre que modèle de pluralité et l’expansion civilisationnelle ne sont pas antinomiques.
Le culte de l’unité n’est-il pas au contraire la source de cette crise ?
Ainsi, on peut, de manière inversée, penser que l’expansion de la Pensée et l’ouverture vers l’Autre sont parallèles dans tout processus. Après la relative bienveillance des premiers califes de l’empire musulman, il revient au calife Abbasside Mutawakil (847-861), d’organiser un statut d’infériorité aux peuples du livre par rapport à l’Islam : statut qui fut néanmoins plus favorable que celui des idolâtres, c’est-à-dire des polythéistes 28 . Le même calife est connu pour avoir mis fin de manière brutale à la domination intellectuelle et culturelle des Mutazilites dont le modèle rationaliste avait prédominé durant près de 30 ans (814-847).
Comment dans cette phase narrative de mutation et de déréliction politique les musulmans d’alors se représentaient-ils l’Autre ? D’abord par le truchement d’une géographie réduite à des dimensions régionales (Al Idrissi XII e siècle) nostalgiques d’un passé défunt (Ibn Battuta XIVème siècle). Les échanges avec l’altérité sont réglementés dans un double aspect : lointain, car les échanges commerciaux permettent d’entretenir des rapports équilibrés avec les pays non musulmans ; proche, puisque le converti et le dhimmi (résidents non musulmans, payant impôt jazya) bénéficient dans la cité islamique de la protection des vrais croyants (la dhimma) du dar al- islâm (maison de l'islam). Ils représentent l’altérité proche dans un monde musulman en voie de fermeture interne et de déclin externe. Cette période annonce la rétraction de la perception islamique du monde ; dans une première étape, il ne s’agit plus de voir une cartographie du lointain que de définir l’empire menacé par la division politique et culturelle. Dans une seconde étape, le temps est à la systématisation de l’observation « masalik wal mamalik » (Itinéraires et Etats), au service d’une vision homogénéisante et islamo centrée du monde (Al Ya’qubi Kitab al Buldan, 897). A partir de la notion de déclin de l’espace impérial, la question de loi doit être repensée. Le principe de la doura (nécessité) s’impose à des pouvoirs politico-religieux rétractés sur leurs domaines : il y a ainsi une extension du privilège d’extraterritorialité du fait des minorités musulmanes en Europe et des minorités chrétiennes et juives dans les pays d’islam. Le modèle de l’idéologie impériale de type Abbasside semble menacé. Il relève d’un modèle général propre à tout système de domination historique visant à ramener le Multiple sous la coupe de l’Unité au nom de l’autorité et du déni d’altérité. L’identité et son paradigme sont propices à l’instauration d’une axiologie selon laquelle tout ce qui ne correspondait pas aux principes de l’universalisme islamique était mauvais. La nécessaire adaptation n’est-elle pas une trahison de l’origine ? La dilatation de l’empire n’entraîne-t-elle pas la dilution de la religion d’Etat que constitue l’islam ? En tant que construction idéologique et imaginaire, l’Occident et son versant oriental (le musulman désislamisé), prend peu à peu l’aspect menaçant et contradictoire de la dépossession.
Dans cette temporalité, la question de l’exil relève d’un temps de crise où l’islam est perçu comme une civilisation en question dans son étendue occidentale (chute de Tolède au milieu du XI e siècle) et orientale (chute de Jérusalem durant la première croisade). Penser l’exil permet aux docteurs de la foi et de la loi islamique de définir le statut du musulman qui continuerait à vivre sur un territoire reconquis par les chrétiens après avoir été sous autorité musulmane pendant plusieurs siècles. A partir de ce processus de Reconquista chrétienne, les musulmans deviennent des “tributaires” (ahl dhimma) des chrétiens en s’acquittant de l’impôt de capitation (jizya). Dans ce processus, la tolérance entre l’islam et les royaumes chrétiens comme le rappelle Bernard Lewis, est liée à « la présence, dans le Sud, d’États musulmans qui exigèrent une tolérance réciproque du Nord chrétien ». Mais, ajoute-t-il, « après la fin de la Reconquête en 1492, cette réciprocité ne fut plus nécessaire aux chrétiens qui ne tardèrent pas à publier un édit d’expulsion ». L’islam étant à la fois rite et mode de vie, les musulmans ne doivent pas être soumis à une autorité non musulmane liée à l’autorisation ou au refus de pratiquer leur religion en opposition avec le monde occidental où il est nécessaire d’avoir l’aman, ou sauf conduit à durée temporaire, pour le must’amin (titulaire du sauf conduit). Cette période est marquée par un changement dans la théorie islamique de la connaissance qui était traditionnellement associée à la question des conditions de la certitude et des fondements de la prétention à savoir. A partir de la pensée d’Al Ghazali à la fin du XIIème siècle, la rationalisation opérée par les penseurs arabo-persans sous l’égide de la Grèce semble remise en question et peu à peu marginalisée. Cette optique dans le cadre des différents bouleversements politico-sociaux à partir du XIII e siècle aboutit à une césure profonde entre la philosophie ramenéeà une métaphysique et l’idée de la science, comme stade suprême du savoir humain tel que l’a proposée, depuis son origine, la philosophie. Cet écart qui s’affirme de plus en plus induit une séparation radicale entre la philosophie, devenue un modèle ontologique de la mystique, et les sciences en tant que mouvements et processus. Ce temps de rétrécissement est le temps pour certains exégètes de la dissociation entre la civilisation et la religion. Pour la pensée dogmatique islamique, la religion ne doit plus coïncider avec la civilisation. Du fait de sa grande ouverture, la religion a souvent pris l’aspect des populations récemment converties.
Ce processus à l’aune de la crise politique de l’empire Abbasside a souvent été vu comme la preuve de la décadence de l’islam impérial. La critique des pratiques abâtardies d’un certain soufisme et le rejet d’un islam de conversion jugé trop syncrétique amène par exemple Ibn Taymiyya à critiquer à la fois certaines branches du soufisme et la pratique religieuse des mongols islamisés mêlant culte à Gengis Khan et rite islamique 29 .
Le déclin de la pensée arabe n’en est pas pour autant le déclin global de la pensée de l’islam comme en atteste la philosophie indo-iranienne du XV e et XVI e siècle. Pour autant, dès cette époque l’islam arabe devient perte et déploration de la perte de l’empire, de la foi originelle, de l’esprit des premiers fondateurs. Une inconsolable absence d’un passé qui constitue l’ultime refuge. La façon de découper l’espace géographique ou intellectuel institue une représentation de l’univers, profondément liée aux différentes temporalités et conjonctures historiques. L’Autre ne se situe pas dans une abstraction éternelle dont l’unique source serait soit des textes théologiques éternitaires ou des ouvrages de voyages du XII e siècle. La représentation cartographique du monde permet selon les époques d’accentuer ou de redéfinir une représentation à tendance binaire. Pourtant, ces représentations ont une histoire : celle du Deux et de l’Un. Le nœud gordien est celui de la lutte entre Europe et Asie. La lecture que Massimo Cacciari fait de cette approche binaire repose notamment sur le fait que dyo (deux) à la même racine que deido : craindre, et deinos : ce qui dépayse 30 : « C’est comme si on voulait dire, qu’il n’est possible d’affirmer le caractère unique du génos qu’à propos d’antagonistes par nécessité, que lorsqu’il s’agit d’ennemis mortels. […] La plus parfaite identification de l’opposition constitue l’accord le plus profond. » 31 .
Ainsi, construire de manière permanente la frontière, permet de situer sa place dans la cosmogonie du monde et de questionner anthropologiquement ses atouts et ses faiblesses. Selon Ernst Jünger, « Orient » et « Occident » « sont deux résidences, deux strates de l’humaine nature, que chacun porte en soi », « Aussi nous sont-elles plus distinctes, au fond de nous-mêmes, qu’elles ne nous sont connues par leur image géographique. L’Europe et l’Asie, l’Orient et l’Occident, le Levant et le Ponant sont des notions flottantes, dont les contours sont, et débattus, et contestables.
Leurs significations géographiques, historique, spirituelle et affective ne coïncident pas» 32 .
Penser l’Autre, permet de penser aux chemins que sa propre civilisation a parcourus de manière positive ou négative. Plus la période est vécue comme une crise de fondements, plus l’exotisme ou le sentiment de menace de l’Altérité s’accentue. L’imago mundi prend l’aspect implicite d’une introspection de soi par l’intermédiaire d’un médiateur qui ne peut être vue que de manière méfiante ou condescendante. L’étranger, le barbare mal islamisé s’institue dans une image symbolique qui « n’est rien d’autre que ce trajet dans lequel la représentation de l’objet se laisse assimiler et modeler par les impératifs pulsionnels du sujet » 33 .
La question active de l’identité tend à devenir pour le sujet arabe, en voie de marginalisation historique, un questionnement passif ou l’action est remplacée par la mémoire de l’action. Le temps du déclin de l’islam est aussi le temps de la mémoire de l’islam : période mythique des premiers califes dont le souvenir hante l’imaginaire social du monde arabo-musulman. La déploration de la décadence et l’appel à la renaissance participent de ce territoire mémoriel qui tend à s’étendre à mesure que l’espace civilisationnel de l’islam se rétracte.
1 Le Coran, les Hadith et les récits de type mémoriels, apologétique, narratifs de l’islam historique (Tabari, Al
Boukhari, Ibn Athir, ect)
2 Textes de philosophies, politiques, encyclopédie, contributions ouvrages collectifs
3 Y.-C. ZARKA, C. FLEURY, Difficile tolérance, Paris, PUF, 2004
4 A. de LIBERA, Penser au Moyen Âge, Paris, Seuil, 1991
5 P. BOURDIEU, Ce que parler veut dire, Paris, Fayard, 1982, p. 9.
6 C. LÉVI STRAUSS, Triste Tropique, Plon, 1955, p.418
7 Ibid, p. 488
8 L. STRAUSS, La persécution et l’art d’écrire, Traduction Olivier Sedyen, Gallimard, coll. Tel, 2009, p. 55
9 Ibid.
10 J. FISCH, Cheap Lives and Dear Limbs. The British transformation of the Bengal criminal law, 1769-
1817,Wiesbaden: F.Steiner,1983
11 M. HALBWACH, Les cadres sociaux de la mémoire, Paris, Librairie Félix Alcan, 1925.
12 A. DEEDAT, The Choice, Islam and christianity, Kuwait, 1993
13 AL-BUKHARI, Le sommaire du Sahih al-Boukhari, Beyrouth, Dar al-Kutub, 2000
14 ASSAWAF, Muhammad, Enseignement de la prière, Lyon, Tawhid, 2001
15 M. WATTS, Muhammad: Prophet and Statesman. Londres, Oxford University Press, 1961.
16 E. GEOFFROY, Le traité de soufisme d’un disciple d’Ibn Taymiyya: Aḥmad ʿImād al-dīn al-Wāsiṭī (m. 711/1311) ,
Studia Islamica, 1995, n o 82, p. 89.
17 G. VAJDA, « Ahl al-kitâb », dans Encyclopédie de l'Islam, Paris, Leyde, 1961
18 N SULEIMAN GABRYEL, Repenser l’islam libéral européen, Frankfort EUE, 2011.
19 C. CAHEN, «Dhimma », dans Encyclopédie de l'Islam, Paris, Leyde, 1961.
20 TABARI, Mohammed Sceau des prophètes, Sindbad, 1980.
21 « Si tu appréhendes quelque trahison de la part d'une peuplade, rends-lui la pareille ; Dieu n'aime point les traîtres »
Coran, VIII, 58.
« Vous avez coupé quantité de leurs palmiers, et vous en avez laissé un certain nombre debout. Ce fut avec la
permission de Dieu, pour apaiser les impies » Coran, LIX, 5,
22 Shaféite, Hanbalite, Hanafite et Malékite.
23 C. CAHEN, op cit.
24Abd El Wahid MERRAKECHI Almohades, Traduction B Faonon, A Jourdan, Alger, 1893
25 T. J. AL-ALWÂNÎ, L'ijtihad, London, Institut International de la pensée islamique, n o 4, 1993, M BENNABI Le
problème des idées dans le monde musulman Lyon Al Bouraq 2009
26 Cette lecture essentialisant l’aire arabe au détriment de l’aire asiatique et de la sphère perse est illustrée notamment
par la vision d’Abduh, Muhammad, The theology of unity, Books for Libraries, NuevaYork, 1980, p.164.
27 D. SOURDEL, L’Islam, Paris, P.U.F, Que sais-je ?1984, 13ème éd., p.75
28 L. CHABRY, A. CHABRY, Politique et minorités au Proche-Orient, Paris, Maisonneuve et Larose, 1984, p.26
29 H. LAOUST, Le Traité de droit public d’Ibn Taimiya, traduction la Siyâsa shariya, Beyrouth, 1948
30 M. CACCIARI, Déclinaisons de l’Europe, Combats, Éditions de l’Éclat, 1996, p. 16.
31 Ibid. p 23
32 E. JÜNGER, Le Nœud gordien, Bourgois, 1995, p. 26.
33 G. DURAND, Les Structures anthropologiques de l’imaginaire, Dunod, 11 ème édition, 1992, p.38