Revue internationale

Anthropologie politique d’Il Cortegiano de Baldassare Castiglione

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César Borgia et Frédéric de Montefeltro : un miroir des princes diffracté ?

Baldassare Castiglione, aristocrate, diplomate, écrivain né à Casatico dans la province de Mantoue en 1478 est connu entre autres pour son ouvrage Il libro del Cortegiano, imprimé à Venise en avril 1528 1, près d’un an avant son décès le 8 février 1529 à Tolède. 

L’ouvrage est traduit en français, puis en espagnol, en anglais et, enfin, en latin et en allemand. Il est composé de quatre livres qui relatent les récits croisés de quatre soirées du 3 mars au 7 mars 1507. Comme maintes fois souligné dans l’historiographie, l’œuvre reprend différentes traditions littéraires dont notamment le dispositif de la dame inspiratrice des récits du Moyen Âge autour de la duchesse d’Urbin, Elisabeta Gonzagua. Platon, pour les dialogues, et Cicéron, pour le retour mémoriel, sont aussi mobilisés dans cette opération de grande envergure. Les mots sont l’occasion d’un espace de concentration des différents styles légitimes à l’œuvre dont le panégyrique au duché d’Urbin est le préalable. 

À ce cadre référentiel des commencements littéraires, propres aux codes d’écriture du temps, s’ajoute ensuite une mise à distance où les personnages construisent des récits qui s’inspirent des disputationes scolastiques. Issus du registre spéculatif de grammaire, c’est à dire des narrations, le sérieux et la rigueur de l’argumentation sont atténués par l’aspect ironique. 

Ces disputationes sont autant d’enseignements, de savoirs et de connaissances partagés entre les interlocuteurs. 

Le récit de l’auteur a pour ambition de parler à la postérité et à laisser des traces aux générations futures. L’ouvrage se décline sur un temps, pour reprendre Stendhal, de cristallisation où seules se déploient de manière anhistorique les relations sociales autour de l’ordre princier. L’écriture de Castiglione est un art de l’écriture au sens d’une manière de vouloir définir une synthèse de savoirs visant à régler l’ordre des hommes sur l’ordre souverain du Prince. Pour ce faire, il multiplie des formes d’adresses, notamment par la voie de la dédicace (L’Arioste, François Ier, Miguel da Silva). Ces instruments nous informent des circuits politiques et culturels européens dans lesquels se déploie Baldassare Castiglione. Selon l’historien Guidi2, ils montrent le parfait pragmatisme de l’auteur qui, au moyen de trois éditions, déplace sans cesse son modèle politique selon les exigences du contexte entre le modèle princier de la première édition et le modèle impérial de la troisième édition. L’intelligibilité qu’il mobilise vise à un contrôle des différents facteurs de socialisation auctoriale, à la fois en termes de sens de la compréhension3, mais aussi en termes de relation aux regards des correspondants4.

Il Cortegiano constitue la somme cumulative de quatre formes de socialisation politique dont l’auteur bénéficiera : du fait de son statut et de son rang (première et seconde socialisation) ; du fait de son capital social, politique et culturel (troisième et quatrième socialisation). 

Sa socialisation première5 est sociologique ; la deuxième6 est académique ; la troisième7 est centrée sur les cours princières qui attirent à elles la vie politique littéraire et artistique ; enfin, la quatrième8 est diplomatique. Ces registres de socialisation politique illustrent un processus d’accumulation des capitaux sociaux et politiques avec pour centralité les cours princières et, comme espace social, une noblesse de province insérée progressivement dans des processus de curialisation, laquelle est marquée par les humanités ainsi que le nouveau rôle que les souverains des cours locales entendent jouer. 

Dans cette configuration au sein du domaine littéraire et culturel, Castiglione est, pour ainsi dire, devenu un canon de l’histoire de la République des lettres européennes. Il est un symbole de l’étude culturelle qu’il s’agit souvent de montrer tel un totem afin de légitimer un positionnement méthodologique ou bien un autre moment transitionnel (entre 1500 et 1540) qui traduit l’émergence de la notion de technique comme savoir pratique (praxis). Tout savoir théorique vise à se relier à une ou plusieurs techniques. Leurs dimensions s’intègrent dans les savoirs militaires ou architecturaux. 

Ainsi, la loi du nombre (mathématique, arithmétique) au service de la monarchie met le savoir et la manière de traiter l’information à disposition de la puissance publique. Il s’opère des processus de professionnalisation, d’intellectualisation et d’organisation de l’université avec des espaces d’études organisés en disciplines. La connaissance érudite et philologique se transforme en savoirs, c’est à dire en régime de production de récits : organisés par disciplines avec leurs codes institutionnels, et leurs langages (culturels, intellectuels, sociaux). 

Dans ce cadre, chaque branche de savoirs est utilisée comme une dimension majeure en vue d’élaborer un savoir, un art qui se destine à la loi du nombre technique. Loi du nombre dont la conception collective remplace la loi de l’individualité chevaleresque, notamment dans la guerre (armée, infanterie, artillerie). 

Trois dimensions sont à distinguer : une dimension dogmatique établissant un espace éternitaire de savoirs légitimes inscrits in abstracto dans les normes d’une cosmologie des sciences humaines et sociales ; une approche historiciste instituant une relativisation explicite qui s’apparente souvent à une déconstruction des savoirs en autant d’interrogations épistémologiques ; enfin, une lecture dynamique, qui semble la plus pertinente, visant à rendre compte de la complexité des savoirs politiques en tant que processus dynamique d’une part, et en tant que fait social, politique et symbolique d’autre part. 

La culture des savoirs libéraux et techniques se « gouvernementalise » par l’expression de techniques tant matérielle (écriture) qu’immatérielle (manière d’être). Elle procède des sciences, c’est à dire engage un ensemble de connaissance avec ses lois, ses méthodes, ses aspects théoriques et empiriques, mais engage aussi la nature de l’existence humaine – humanae vitae natura. La culture littéraire dans nos configurations d’études procède d’une culture politique, de culture du politique du point de vue de sa représentation, de son imaginaire et de sa construction. 

1 Les quatre livres du courtisan du conte Baltazar de Castillon ; Jacques COLIN, Réduyct de langue ytalicque en françoys, Lyon, Denys de Harsy, 1537.

2 José GUIDI, « Les différentes rédactions du « Livre du Courtisan », in De la politesse à la politique. Recherches sur les langages du Livre du Courtisan, Actes du colloque international de l’Université de Caen Basse-Normandie (18 février 2000), Presses universitaires de Caen, 2001, p. 26.

3 De la part du lecteur idéal.

4 Qu’ils soient princes ou nobles.

5 Grandes familles aristocratiques lombardes installées dans le duché de Mantoue.

6 Études classiques à Venise et à Milan auprès d’érudits, sans compter le recours à des circuits d’échanges culturels.

7 La cour de Gonzague à Mantoue, la cour Sforza à Milan, la cour de Guidobaldo I er de Montefeltro, duc d’Urbino.

8 Ambassade en Angleterre, ambassade à Rome ; mais aussi ambassadeur du duc d’Urbino auprès d’Henri VIII d’Angleterre.

De la gloire du prince 

Qu’est-ce que la gloire d’un prince ? Qu’est-ce qui fonde le commun ou quels seraient les fondements d’un commun ? C’est à ces questions que Castiglione et Machiavel, ou plus tard Gracian, ont cherché à répondre en interrogeant la relation entre la souveraineté et la figure du prince (Frédéric de Montefeltro, César Borgia, Ferdinand d’Aragon). 

La relation entre puissance (potestas) et politique (auctoritas) mais aussi la relation entre élites gouvernementales et savoirs politiques sont examinés. L’art politique d’écrire suppose, d’une part, des méthodes de rationalisation et des dispositifs de conception entraînant des dynamiques profondes qui impactent les idées, les régimes de connaissances mais aussi la possibilité d’accumuler un certain type de capital (scolaire, universitaire, culturel, social) ; d’autre part, une manière de construire le monde par la pensée sous un registre tacite (sans théorisation explicite) et un registre actif (avec une architecture idéologique existante).

À l’aune de cette configuration, notamment à la Renaissance, se met en place une géopolitique de la pensée au service d’une civilisation de l’autorité politique et culturelle. Des idées, des notions sont ainsi construites, reformulées selon les contextes et les espaces publics disparates, hétérogènes. Ces imaginaires sont basés sur l’ordre distinctif de la société de cour au moyen de plusieurs espaces géopolitiques (Rome, Este, Sforza, Della Rovere) : ils participent d’une conception extensive de la fonction sacerdotale du pouvoir, avec ses clercs détenteurs de la légitimité ecclésiale et ses règles canoniques culturelles s’apparentant aux dogmes des croyances collectives. 

Dans ces configurations successives, la littérature et la studia humanitatis sont les objets déterminants d’une culture légitime qui attache les narrations politiques des élites, les institutions prescriptives et les savoirs des Humanités. Il s’agit de savoirs dont l’anthropologie vise à l’établissement d’un homme universel apte à comprendre sa situation historique, à se gouverner, à maîtriser ses passions personnelles et l’ordre social qu’il incarne : une « raison d’État de soi-même9 » est conçue comme la première condition du gouvernement des Autres. 

Le prince est utile comme modèle pour les successeurs (Guidobaldo vis-à-vis de son père Frédéric de Montefeltro) ou pour l’histoire en tant que modèle politique exemplaire (Machiavel vis-à-vis de César Borgia). Ces exemples représentent des synthèses complètes du régime transitionnel entre féodalisme et Renaissance, entre idéologie palatiale et stratégie de bataille, entre libéralité des mœurs et suzeraineté implacable ou encore entre gloire des armes et gloire des lettres. 

La politique est un champ d’investissement d’une noblesse désireuse d’ériger de nouvelles barrières face aux nouvelles aristocraties nées des guerres. Une politique qui ne peut s’affirmer non seulement par l’art militaire mais aussi, et davantage pour Castiglione, par l’art social de la cour, l’art curial où il est question de texte et d’écriture, d’organisation et de définition, de signes et de symboles, d’art et de culture. Ces dimensions multiples sont propres à cette sociologie de la noblesse de « l’entre deux », entre noblesse d’épée avec sa sociologie des cadets et noblesse de robe avec sa sociologie d’hommes nouveaux. Castiglione s’adresse à ces hommes de l’entre deux qui actent la fin de la chevalerie et dont le propos est de convertir leur capital culturel en capital politique agissant. Cela revient à prendre part au cours du monde avec les instruments de la culture des savoirs : retrouver le tournoi et la joute dans l’ordre des mots comme leurs ancêtres le vivaient dans l’ordre des choses. 

Dans le traité du Cortegiano, la culture est décrite comme un usage politique. Elle donne codes, rites et permet aux gentilshommes de l’entre deux d’affirmer son goût de l’examen de soi comme traité de morale à usage des honnêtes gens. En outre, elle permet de rattacher capital d’origine et capital politique d’acquisition dans un ordre politique référentiel. 

Cette culture du gouvernement de Soi et des Autres procède de message explicite (savoir de cour) et implicite (savoir politique) à peine voilé (in integumento). 


9 Référence ?

Il Cortegiano de Castiglione : thèmes historiographiques, dimensions méthodologies, instruments de travail 

Dans la relation que le sujet du Cortegiano de Castiglione entretien avec ses historiographies, il convient de définir deux aspects importants : le premier est le type de dimensions méthodologiques qu’il sollicite ; le second est le type de thèmes historiographiques. 

Les dimensions méthodologiques 

L’interprétation du Cortegiano est axée principalement sur trois dimensions méthodologiques essentielles. La première est une dimension axée sur les arts de la cour10 avec le rôle du prince, la mise en scène du soi et d’autrui, l’importance des textes classiques ou encore l’éducation aux arts libéraux11. La deuxième est une dimension conçue comme un régime de discours intertextuel fondé sur la rhétorique12 (de type cicéronienne) et sur la culture politique stoïcienne13. La troisième est un modèle axé sur un style narratif construit autour de la littérature courtoise14. Cette production historiographique valide la présence de ce paradigme tout au long du XVIe siècle dans la culture européenne, en particulier sous le règne d’Elizabeth Ière d’Angleterre15. 

10 Peter BURKE, The Fortunes of the Courtier, Cambridge, Polity Presse, 1995, référence de la page ?

11 Peter BURKE, Civilizations and frontiers : antrhopology of the early modern Mediterranean. Early modern history and the social sciences : testing the limits of Braudel’s Mediterranean, J.A. Marino éd., Kirksville MO, 2002, p. 123-144.

12 Catherine BATES, The Rhetoric of Courtship, Cambridge, CU, 1992, 252 pages.

13 Marie-Madeleine CASTELLANI, « La figure du roi », Actes du colloque du Centre d’Études médiévales et dialectales de Lille 3 (Université Charles-de-Gaulle – Lille 3,

24-26 septembre 1998), dir. M.M Castellani, Bien dire et bien apprendre, t. 18, 2000, p. 85-100.

14 Richard MCCOY, The Rites of Knignthood : the Literature and Politics of Elizabethan Chivalry, Berkeley and Los Angeles, UC, 1989, 196 pages.

15 David STARKEY, « The Court : Castiglione’s Ideal and Tudor Reality », Journal of the Warburg and Courtauld Institutes, 45, 1982, p. 232-239.

Les thèmes historiographiques 

Le Cortegiano de Castiglione mobilise, en termes historiographiques, les traités sur l’étiquette16, les traités de savoir-vivre17 ainsi que les normes et usages de la langue italienne18. 

En ce qui concerne les sociétés de cours et l’ordre politique de la noblesse19, le Cortegiano décrit le portrait de la cour d’Urbin à l’aube du XVIe siècle et ce, au travers de ses dialogues. Ainsi, grâce à l’art de cour et à la peinture conversationnelle, Castiglione met en scène un modèle de vita activa, une manière d’être dans la société publique pour les gentilshommes du XVIe et du XVIIe siècles. Ce modèle constitue à la fois un manuel de mœurs et de civilité et assure une prééminente historiographie sur le sujet. 

La question biographique, qui eut son âge d’or entre les années 1950 et 1970, est aussi largement abordée et développée avec des éléments de sociologie politique, notamment sur la classe sociale dont est issue Castiglione. À l’aune de cette détermination sociale, E. Loos paraphrase le Guépard de Lampedusa et décrit le traité du courtisan comme une forme de vademecum, un outil pour la survie sociologique d’une classe dans un environnement hostile. Cela impose une nécessité de s’adapter à la situation géopolitique italienne du début du XVIe 20.  

Il convient de noter un second segment de la production biographique qui consiste en des développements d’aspects personnel et diplomatique21 de Castiglione et de son œuvre. Castiglione est décrit sous ses contraintes humaines22 en croisant des éléments, à la fois de sa biographie et de son ouvrage. Il s’agit d’humaniser le statut de la référence littéraire que constitue Castiglione et d’insister sur ses relations avec son contexte socio-historique23. En tant que champ d’investigation de la recherche actuelle, ces pratiques essayent de quitter les espaces de l’interprétation littéraire pour des perspectives de croisements des sciences humaines avec des éléments d’histoire politique24, de philosophie ou de sociologie politique. 

16 Notamment en tant que sources imprimées. Jean BURCHARD, Dans le secret des Borgia : journal du cérémoniaire du Vatican : 1492-1503, éd. Vito Castiglione Minischetti et Ivan Cloulas, Paris, Tallandier, 2003, 518 pages ; Antoine COURTIN (de), Nouveau traité de la civilité qui se pratique en France, Paris, H. Josset, 1671 ; Jean DUMONT, Corps universel diplomatique du droit des gens, Amsterdam-La Haye, Brunel-et al, 1726-1731, 8 vol. ; Jean DUMONT et Jean ROUSSET DE MISSY, Supplément au corps universel diplomatique du droit des gens, Amsterdam, 1739, 2 vol. ; Jean DU TILLET, Recueil des Roys de France, leurs couronne et maison, Paris, J. Houzé, 1607. Établissement, prérogatives et fonctions de la charge de maître ordinaire de l’Oratoire du Roy, sl, sd. ; André FAVYN, Traité des premiers offices de la couronne sous nos rois de la première, seconde et troisième lignée, Paris, F. Bourriquant, 1613. Gazette, éd. T. Renaudot, Paris, Bureau d’adresse, de 1631 à 1761. Gazette de France, Paris, Imprimerie de la Gazette de France, de 1762 à 1792 ; Stéphanie-Félicité Du Crest GENLIS, comtesse de, Dictionnaire critique et raisonné des étiquettes de la cour, des usages du monde, des amusemens, des modes, des mœurs, etc, des François, depuis la mort de Louis XIII jusqu’à nos jours…, Paris, Mongie, 1818, 2 vol. ; Théodore GODEFROY, Le cérémonial de France ou description des cérémonies, rangs et séances observées aux couronnemens, entrées, et enterremens des Roys et Roynes de France, et autres Actes et Assemblées solennèles. Recueilly des Mémoires de plusieurs Secrétaires du Roy, Hérauts d’armes, et autres, Paris, A. Pacard, 1619. ; Théodore GODEFROY, Le cérémonial françois, Paris, S. et G. Cramoisy, 1649, 2 vol. ; Eugène GRISELLE, Supplément à la Maison du roi Louis XIII, Paris, P. Catin, 1912., 123 pages ; Pierre- Jean-Jacques-Guillaume GUYOT et Philippe-Antoine MERLIN, Traité des droits, fonctions, franchises, exemptions, prérogatives et privilèges annexés en France à chaque dignité, Paris, Visse, 1786-1788, 4 vol. ; Alfred HIVER DE BEAUVOIR (éd.), Papiers Pot de Rhodes 1529-1648, L’État de la France, Paris, 1864 ; LOUIS XIV, Ordre et règlement qui doit estre tenu et observé en la maison du roy, tant pour le fait et despense d’icelle, que du devoir que les officiers ont à rendre en l’exercice et fonction de leurs charges. Tiré des manuscrits de Monsieur de Sainctot maistre des cérémonies de France, Paris, éd. 1651 ; Malgrain MATHIEU, L’establissement des estats et offices de la maison et couronne de France, Paris, A. Du Breuil, 1616. Mercure Galant, puis Mercure de France, Paris, s. éd., de 1672 à 1791. Mercure de France, octobre 1764, p. 200-212.

17 Alain MONTANDON (dir.), Pour une histoire des traités de savoir-vivre en Europe, Clermont-Ferrand, Association des Publications de la Faculté des Lettres et Sciences humaines de Clermont- Ferrand, 1994, 496 pages ; Alain MONTANDON (dir.), Bibliographie des traités de savoir-vivre en Europe du Moyen Âge à nos jours. T. I, France-Angleterre-Allemagne., T. II, Italie-Espagne-Portugal-Roumanie-Norvège-Pays Tchèque et Slovaque-Pologne, Clermont-Ferrand, Association des Publications de la Faculté des Lettres et Sciences humaines de Clermont-Ferrand, 1995, 410 pages.

18 Jean BALSAMO, Vito CASTIGLIONE-MINISCHETTI et Giovanni DOTOLI, Les traductions de l’italien en français au XVIe siècle, Fasano-Paris, Schena-Hermann, 2009, 418 pages ; Florence ALAZARD, « À la recherche d’une langue politique : les lamenti du XVI e  siècle », dans M.-S. Ortola et M. Roig Miranda (éds), Langues et identités culturelles dans l’Europe des XVIe et XVIIe siècles, Actes du colloque international de Nancy (13-15 novembre 2003), Nancy, Presses de l’Université de Nancy, 2005, vol. I, p. 209-218 ; M. BASTIAENSEN, Jean Flemingue et Baldesar Castiglione: une voix néolatine dans un chœur plurilingue, in Hommages à Carl Deroux, vol. 5: Christianisme et Moyen Âge. Néolatin et survivance de la latinité, Bruxelles, Defosse, 2003, p. 286-291 ; H. HONNACKER, Balthasar Castilioneus, in C.A.L.M.A. : Compendium Auctorum Medii ’VII (500-1500), a cura di di Michael Lapidge, Gian Carlo Garfagnini e Claudio Leonardi, I.5, Firenze, SISMEL-Edizioni del Galluzzo, 2003. Castiglione 1968 La seconda redazione del “Cortegiano” di Baldassarre Castiglione, a cura di G. Ghinassi, Firenze, 1968. Castiglione 19813 Il Libro del Cortegiano con una scelta delle Opere minori di Baldesar Castiglione, acura di B. Maier, Torino, UTET, 19813. Vittorio CIAN., Un illustre nunzio pontificio del Rinascimento : Baldassar Castiglione, Città del Vaticano, 1951.

19 À ce titre, les souverains du duché d’Urbin étaient des mécènes de l’art : notamment le duc Frédéric de Montefeltro. Cette principauté est décrite par Le Tasse comme « le séjour et le refuge des hommes doués » référence ?

20 Vittorio CIAN, Un illustre nunzio pontificio del Rinascimento, Baldassar Castiglione. Vatican City: Biblioteca Apostolica Vaticana, 1951; Sydney ANGLO, “The Courtier: The Renaissance and Changing Ideals.” In The Courts of Europe: Politics, Patronage and Royalty 1400–1800. Edited by A. G. DICKENS, 33–53. London: Thames and Hudson, 1977 ; Carlo DIONISOTTI, “Review of Un illustre nunzio pontificio del Rinascimento, Baldassar Castiglione, by Vittorio Cian.”, Giornale storico della letteratura italiana, 129, (1952) : 31–57 ; José GUIDI, “Baldassar Castiglione et le pouvoir politique : Du gentilhomme de cour au nonce pontifical.” In Les écrivains et Le pouvoir en Italie à l’époque de la Renaissance. Edited by André Rochon, 242–278. Paris : Université de la Sorbonne Nouvelle, 1973 ; Erich LOOS, Baldassare Castigliones “Libro del cortegiano”: Studien zur Tugendauffassung des Cinquecento, Frankfurt, Vittorio Klostermann, 1955 ; Bruno MAIER, “Baldesar Castiglione.” In Letteratura italiana : I minori, Vol. 2, 892–925, Milan : Marzorati, 1961 ; Uberto MOTTA, “Baldesar Castiglione” In Pathways through Literature: Italian Writers/Viaggi nel testo: Classici della letteratura italiana. Translated by Steve Scott, Woodhouse ; J. R, Baldesar Castiglione: A Reassessment of “The Courtier.”, Edinburgh, Edinburgh University Press, 1978 ; Julia Mary CARTWRIGHT, Baldassare Castiglione: The Perfect Courtier, His Life and Letters, 1478-1529, New York : E. P. Dutton, 1908 ; Christine RAFFINI, Marsilio FICINO, Pietro BEMBO, Baldassare Castiglione: Philosophical, Aesthetic, and Political Approaches in Renaissance Platonism, Peter Lang, 1998, 173 pages ; Ralph ROEDER, The Man of the Renaissance : Four Lawgivers: Savonarola, Machiavelli, Castiglione, Aretino, New York, Viking Press, 1933, 540 pages.

21 Virginia COX, The Renaissance Dialogue. Literary Dialogue in its Social and Political Contexts, Castiglione to Galileo, Cambridge, Cambridge University Press, 1992, 252 pages ; Peter BURKE, Le fortune del Cortegiano : Baldassar Castiglione e i percorsi del Rinascimento europeo, Rome, Donzelli, 1998, p. 35-38 ; Raffaele RUGGIERO, Baldassare Castiglione diplomatico. La missione del Cortegiano, Florence,

Orschki, 2017, 154 pages.

22 Olga ZORZI PUGLIESE, Castiglione’s The Book of the Courtier [Il Libro del Cortegiano]. A Classic in the Making, Naples, Edizioni Scientifiche Italiane, 2008, 382 pages.

La question du politique et la thématique du miroir des princes 

La notion de « miroir des princes » comme le rappelle E.M. Jonsson25 est une notion qui provient de la tradition littéraire et intellectuelle du Moyen Âge occidental mais dont la définition est définitivement fixée à partir des années 1930 dans l’historiographie des médiévistes. Le mot « speculum » (« miroir ») qualifie les manuels de moral destinés à un souverain ou à un prince.

Selon E.M Jonsson, il semble bien que ce genre littéraire « se soit imposé comme une sorte d’évidence, mais sans jamais avoir été défini ou explicité. Pourtant, ce mot n’est pas neutre (…), il renvoi à un symbolisme philosophique et théologique26 ». 

Pourtant, bien que ce genre littéraire traite de pouvoir, de politique et de savoir du gouvernement, il n’est guère abordé sous cet angle dans l’œuvre de Castiglione27 ou sous un angle indirect et comparatif entre Machiavel et Castiglione28. Encore que, sous ce dernier aspect, l’interprétation se fait sous l’angle politique et non sous un registre des modèles de gouvernements respectifs proposés par les deux auteurs italiens. 

23 Robert W. HANNING et David ROSAND (éd.), Castiglione : the Ideal and the Real in Renaissance Culture, New Haven, Yale University Press, 1983, 240 pages.

24 Marie BARRAL-BARON, L’enfer d’Érasme. L’humaniste chrétien face à la Renaissance, Genève, Droz, 2014, 752 pages.

25 Einar MAR JONSSON, « Des savoirs aux services du prince ? Les « miroirs aux princes » sont-ils un genre littéraire ? », Médiévales [En ligne], 51 | automne 2006, p. 153-166.

26 Ibid.

27 Jean LACROIX, « Le Prince en son « miroir », Littérature et politique sous les premiers Valois », Revue des langues romanes, [En ligne], Tome CXIX n°2 | 2015, consultable à l’adresse URL suivante : https://journals.openedition.org/rlr/337

28 Bernard GUILLEMIN, Anthropologie politique de Machiavel, Genève, Droz, 1977, p. 43.

Le specula principis : Il Cortegiano ? 

Les miroirs des princes (Specula principis) et les traités sur le bon gouvernement déterminent une large production européenne et mondiale sur l’usage du bon conseil à celui qui aspire à devenir souverain. Il s’agit de lui montrer la voie des meilleures pratiques de gouvernements, soit, pour l’époque, les principes moraux et les enseignements sur la vertu ainsi que les modèles d’autorités à reprendre, perpétuer ou prolonger. 

Notre première hypothèse est qu’Il Cortegiano de Castiglione, au travers de la figure de Frédéric de Montefeltro, duc d’Urbin (1422 – 1485), s’inscrit dans cette configuration ; ou, pour paraphraser Foucault « la gouvernementalité de Soi rejoint la gouvernementalité des Autres29 ». Le texte est au service de l’éducation du Prince et de sa dynastie30. Il s’agit de proposer un âge d’or et une continuité entre deux générations31 dont le maillon est marqué par les tourments et les difficultés des guerres d’Italie. 

Notre seconde hypothèse est qu’au moyen de ce portrait du prince célèbre condottiere du xve (Frédéric de Montefeltro) se joue aussi un autre modèle de gouvernement à la fois par certains points différents, opposés et peut-être complémentaires avec la figure du prince de Machiavel (César Borgia). 

Le specula principum situe une relation entre trois éléments : le prince en tant que futur gouvernant, le souverain attendant de son héritier la meilleure éducation susceptible de le préparer au mieux à sa tâche de gouvernant et le maître qui rédige les principes moraux et politiques en charge d’orienter le prince et de le former. 

Le miroir au prince permet d’inculquer ce que le sociologue Goffman décrit comme la distance au rôle. Par conséquent, la distance au rôle est la garantie d’un discernement dans la connaissance et dans l’acquisition légitime de l’habitus du futur souverain. Cela, autour de son incontournable autorité (le duc d’Urbin) qui assure protection, privilège et légitimité : « L’adhésion aux spécificités formelles du rôle doit être permise et confirmée par les autres personnes présentes dans la situation ; […] Il faut ajouter enfin que nous assumons qu’en général c’est tout bénéfice pour le subordonné de diminuer la distance vis-à-vis du supérieur et tout bénéfice pour le supérieur de maintenir ou d’augmenter la distance vis-à-vis du subordonné32. »

Merleau Ponty nous rappelle que les liens entre visibilité et invisibilité sont liés tout d’abord à des relations d’intersubjectivité, entre des corps sans cesse mouvants se déplaçant du visible à l’invisible et inversement. Le miroir du prince est le lieu de la concentration des subjectivités sociales avec ce que cela sous-tend de stratégies de visibilité et d’invisibilité autour de la faveur du prince et de son regard. Ce regard qui jette la lumière sur certains pour un temps plus ou moins déterminé et qui peut repousser dans l’ombre les autres avec la même incertitude de critères. 

Ce regard souverain qui situe et constitue la vie du courtisan qualifie les qualités des uns et des autres, c’est-à-dire use de pouvoir de jugement explicite et implicite sur les êtres sociaux. Un pouvoir de jugement proprement politique car déterminé par une relation entre pouvoir et espace public, scène et mise en scène, capital social et capital culturel d’expression. Mais ces logiques dépendent d’autant de possibilités fluctuantes. Ces incertitudes qui peuvent s’avérer tragiques, et qui sont le propre de tout pouvoir personnel, sont, pour ainsi dire, dans le texte du Cortegiano orientées voir neutralisées au profit du prince. C’est à dire neutralisées par l’éducation souveraine des vertus et le contrôle des affects. 

Ce miroir du prince recèle plusieurs notions. La sprezzatura du Cortegiano est cette élégance nonchalante qui se découvre à l’aune d’une relation éthique33 et esthétique34. Une double dimension au service du goût, du style, une manière d’être constitutive d’un ethos social et politique. Nous sommes dans le registre du regimen singularii où la subjectivité est affirmation d’une conception totale du monde35 en termes de relation du studium humanitas (les savoirs sous toutes ses formes) et de regard personnel porté vers l’ordre social considéré comme espace plastique, instable et mouvant. Le prince donne présence, c’est à dire visibilité, à celui qui lui succédera, mais aussi aux sujets qui appliqueront sa politique et serviront son règne : il distingue, caractérise et efface ce qui détermine la force sociale et politique du regard souverain. 

Ce modèle se prévaut d’un modèle du prince savant que, déjà, les clercs magnifiaient autour de la figure du roi de Naples au début du xive, Robert Ier d’Anjou : « lo piu, savio omo in sapienza che fosse in terra da lo tempo di Salamone36. »

Le regard du prince qui est décrit sous le visage de Guidobaldo, duc d’Urbin, est aussi celui en arrière-plan de César Borgia le prince de Machiavel. Machiavel, avec les tensions, les compétitions et les logiques d’interdépendances37, serait ce que l’on prénommerait aujourd’hui « le pouvoir dur » (à la fois militaire et coercitif) alors que Castiglione serait « le pouvoir doux » avec le pouvoir de consentement culturel et intellectuel. Ces deux personnages sont les contributeurs les plus éminents dans la formalisation d’un traité de gouvernement qui s’occupe tant de prestige que de guerre (Machiavel) sans omettre la sociabilité (Castiglione) : 

De ces considérations, il ressort clairement que l’usage de la distance au rôle prendra bien des significations différentes, en fonction du rang relatif de celui qui s’en sert (…). Dans l’ensemble, l’expression de la distance au rôle dans l’interaction est le plus souvent la prérogative du supérieur (…). Du charme et de petits gestes informels pleins de couleurs sont dès lors les prérogatives de ceux qui sont au sommet, nous laissant croire de manière erronée que ce sont ces délicatesses sociales qui les ont conduits là-haut, alors qu’il est sans doute plus juste de dire que ces manières gracieuses deviennent possibles à quiconque y parvenant38.

Dans les deux cas d’écriture, il s’agit pour les auteurs de poursuivre l’exemple des Anciens avec différentes césures historiques : notamment dans l’ordre politique (période de la République romaine pour Machiavel ; période des Julio-Claudiens pour Castiglione) qu’ils doivent penser, comprendre et utiliser d’autant mieux qu’il ne s’agit pas d’un simple rapport mécanique. 

29 Référence manquante

30 En l’occurrence, de Francesco Mario Della Rovere, petit-fils de Frédéric de Montefeltro.

31 Celle de Guidobaldo et du duc d’Urbin.

32 Erving GOFFMAN, « La « distance au rôle » en salle d’opération », Actes de la Recherche en Sciences Sociales, 2002 | 143, p. 80-87.

33 La figure de l’honnête homme chrétien pour Castiglione.

34 La morale aristocratique du regimen singularii.

35 Le concept d’Insane Kamil dans la pensée arabe : l’homme de complétude.

36 La Cronaca di Partenope, référence incomplète.

37 Erving GOFFMAN, Encounters : Two Studies in the Sociology of Interaction, Indianapolis, The Bobbs-Merrill Company, 1961, p. 96.

38 Erving GOFFMAN, « La « distance au rôle » en salle d’opération », op. cit., p. 82.

IV Castiglione et Machiavel : le XVIe et la diffraction des specula principis ? 

Les guerres d’Italie, les inventions techniques, les nouvelles dominations (française puis espagnole) ont, pour ainsi dire, diffractées le modèle chrétien du miroir des princes39. Comment, dans ce contexte d’instabilité et de guerre permanente, trouver les voix d’un bon gouvernement ? 

Pour Machiavel, le prince doit s’assurer puissance et force, fortuna et virtu, afin d’accroitre son prestige et de vaincre ses ennemis par la guerre et la ruse. Nulle autre possibilité ne pourra venir à bout des divisions et de l’impuissance des petits États. Pour Castiglione, face à cette naturalité de la domination, il y a une solution : la civilité et la conversation, c’est à dire un être ensemble politique déterminé par des critères légitimes et dicibles qui sont liés à la maîtrise des codes sociaux et des rites culturels. 

Un horizon de références qui impose une mise en conformité entre aspiration individuelle et possibles sociaux. La cour étant conçue comme le cercle parfait sur lequel doit explicitement s’agglomérer impressions, motivations, conceptions et ambitions. Un cercle spatial et social que l’on doit reconnaître en termes de mise en frontière et de limes vis-à-vis des groupes sociaux dominés ou compétiteurs. Il s’agit ainsi de rapatrier sous la forme tacite d’un miroir des princes qui se veut bréviaire laïc des connaissances de la sociabilité légitime afin de garantir une pacification de l’ordre social ou tout du moins un rapatriement des pulsions de guerres de stratégies militaires vers des pulsions de guerres d’emplacements sociales. L’ordre symbolique de la Renaissance et ses hiérarchies externes (art, langue, religion) et internes (noblesse de cour, noblesse de province, noblesse de robe) sont constitutifs de cet ordre des choses qui se détermine en toute conscience de cause de manière visible et consciente41, sans rien attendre de « ceux qui ne veulent pas savoir41 ». 

39 Einar MAR JONSSON, op. cit.

Du miroir du prince au miroir du pouvoir du prince

Pour paraphraser Quentin Skinner, au début du XVIe siècle se développe le moment machiavélien : l’élaboration d’une rationalisation du politique et de la res publica. Castiglione, lui, est conçu comme auteur dépositaire d’une conception politique, d’une définition de la culture dans la relation au politique. De nombreux ouvrages ont développé ce sujet qui permet de penser de manière transversale les divers éléments que sont la politique du mécénat, l’idéologie politique du prince, la relation au pouvoir, la place de la noblesse dans les sociétés de cour au xvie42

Notre propos sera, dans ce cheminement, d’interroger le modèle du prince que développe Castiglione dans Il Cortegiano (Frédéric III de Montefeltro) et le mettre en comparaison avec l’autre figure politique de ce temps qu’est le prince de Machiavel (César Borgia). De quelle conception politique Castiglione est-il le nom ? Doit-on enfermer son écriture et sa pensée dans la simple détermination des problématiques de la civilité et de la société de cour ou bien son œuvre est-elle, elle-même, dépositaire d’une conception de l’autorité et d’une certaine légitimation sociologique eu égard à son ordre social d’origine et au public auquel il s’adresse ? 

Le Cortegiano est-il un moyen de définir le modèle d’un prince (Frédéric de Montefeltro) ? 

Mais sans chercher plus loing, nous pourrions de ce faire bon tesmoignage par la glorieuse mémoire du duc Federic, qui en ces jours fut la lumière d’Italie. Et ne défaillent, vrays & honorables tesmoings, qui encore vivent, de l’humanité, de la prudence, de la justice, de la libéralité, du couraige invaincu & de la discipline militaire, qui estoit en luy. De laquelle, principalement font foy plusieurs ses victoires, princes, de lieux imprenables43.  

Dans cette configuration, la cour des ducs d’Urbin est décrite sous la forme d’une anthropogénèse du « meilleur des gouvernement44 » instituant l’ordre princier avec une dynastie des Montefeltro dont l’imprimatur idéalisée détermine le paysage géographique et mental du duché d’Urbin. « Intelligence es exécutions : avoir plusieurs foys avec bien peu de gens deschasse de grosses & puissantes armées, ne jamais avoir esté perdant en aucune bataille : en manière que nous pouvons raisonnablement l’équiparer à plusieurs antiques renommez45. » L’idéalité du prince répond aux qualités politiques, morales et éthiques, c’est à dire un modèle de civilité où l’homme est détenteur d’une parole dont la force sociale et culturelle donne sens politique à une organisation humaine déterminée. Ce prince qui part d’une personnalité réelle (Frédéric de Montefeltro) est dépeint avec l’usage de références littéraires et culturelles (Platon, Aristote, Xénophon, Cicéron) et dans le contexte de la production d’œuvres de plusieurs contemporains qui agissent comme des références mais aussi comme des formes de repoussoirs (Érasme) ? Comment interroger cette figure (Frédéric de Montefeltro) qui repose sur un texte et un contexte (la Renaissance du xvie siècle) postérieur à sa vie (xve siècle) ? 

Baldassare Castiglione s’inscrit-il, par son rang social et le message porté par Il Cortegiano dans une volonté de maîtrise de l’humanisme ? De le canaliser et d’en faire un instrument de domestication des groupes sociaux en faveur du prince ? Le texte est-il l’élément particulier d’un savoir de cour ou est-il un aspect d’un ensemble plus vaste que l’on pourrait qualifier de savoir de gouvernement ? Baldassare Castiglione, par ses fonctions d’ambassadeur et de diplomate, n’est-il pas un prototype d’un homme politique au sens moderne du terme ? Il Cortegiano n’actualise-t-il pas une forme de savoir de gouvernement sur soi et les autres ? 

Le savoir politique est un savoir de gouvernement. Il vise à appréhender, contrôler, utiliser les nouvelles connaissances techniques, scientifiques, mécaniques, qui bouleversent l’espace cognitif, culturel et mental des hommes du xvie siècle. Ces innovations sont caractérisées par Girolamo Cardano au nombre de quatre : la découverte du nouveau monde, la poudre à canon, la boussole et l’imprimerie. Ces nouveaux instruments de la puissance supposent une reformulation de la politique comme sens général des hommes et des cités. Il s’agit de permettre une meilleure utilisation de ces techniques qui induisent de nouvelles pratiques d’administration des choses et des hommes. 

« N’est point une œuvre impossible, ni même difficile, de gouverner les hommes, quand on s’y prend avec adresse. En effet, nous savons que des hommes se sont empressés d’obéir à Cyrus, bien qu’éloignés de lui d’une marche d’un grand nombre de journées et même de mois, quelques-uns ne l’ayant jamais vu, et d’autre sachant qu’ils ne le verraient jamais. Et, cependant, ils voulaient être ses sujets46. » 

La ligne politique idéalisée qui, de Cyrus à Guidobaldo di Montefeltro47, serait-elle le contrepoint d’un processus de civilisation politique dont César Borgia, le modèle du prince, constitue l’autre élément identificateur ? Frédéric de Montefeltro et César Borgia sont-ils deux modèles politiques dans deux configurations ? Deux types d’action du politique sur son environnement historique, politique et géographique ? Deux relations au pouvoir et à ses contraintes, ses privilèges et ses sinuosités ? 

L’histoire de la raison d’État a une généalogie historique qui se rattache dans l’affirmation progressive de la puissance publique (le stato). La première moitié du xvie siècle marque bien de ce point de vue une césure : il ne s’agit plus en l’espèce d’éduquer simplement un futur souverain aux valeurs chrétiennes et à la vertu politique, mais d’éduquer ceux qui doivent le servir. De quelle importance serait un souverain sans la parfaite soumission de ses servants ? 

« Car lon doibt estimer que non moin-re faulte est a vous de m’avoir imposé charg-ge a mes forces inesgalle, que a moy de l’avoir acceptée. Or venons a donner commencement a ce que nous avons presupposé desduire & s’il est possible formons un Courtisan tel que le prince qui sera digne d’estre servy de lui, encore que son estat fust petit, se puisse neant-moins appeller tres grand seigneur. » Référence manquante 

Comment enseigner la vertu ? Lorsque cela concerne, non plus le prince directement, mais sa cour : les nobles. L’enjeu n’est plus seulement le prince mais le modèle de l’homme universel, celui qui sera susceptible de pouvoir régner et ceux qui sont censés être gouvernés. Qu’est-ce qu’apprendre l’universel ? Peut-il devenir un savoir transmis et acquis ? Ceci ne peut se faire que par l’apprentissage d’un regimen singularii, celui de l’homme universel des humanités. Un apprentissage difficile, complexe et sans garantie de succès. 

« Nous en ces livres ne suivons point ung certain ordre ou reigle des preceptes distinctz & separez, dont le plus souvent on a accoustumé user quant on veult enseigner quelque chose que ce soit : mais a la facon de plusieurs antiques renouvellans une gracieuse memoire, reciterons aucuns devis, lesquelz jadis furent ame- nez sur ce propos entre certains hommes tres singuliers48. »

Les intérêts particuliers de l’ordre princier sont présentés comme les intérêts universels communs à l’ensemble du groupe social dépendant de ce même État princier. L’écriture, l’art de cour, la civilité politique permettent la dépossession par délégation des attributs par trop autonome de la noblesse féodale afin de civiliser, c’est à dire domestiquer, le milites en homme universel et de déduire à partir de ce régime de civilité un régime politique légitime, centré sur l’autorité du prince et de sa gouvernementalité. 

Le pouvoir est d’abord une catégorie de possibilité de mise en relation et de circulation du jeu et des enjeux dans un contexte historique déterminé. Par exemple, la manière de se tenir à table, de manger, de parler ou de se laver sont autant de traits distinctifs et de contrôle social du comportement visant au refoulement des pulsions et à la domestication des affects. Nous sommes dans des dispositifs et des mécanismes de conversion des rapports de domination et de violence en des relations politiques de civilités et de rites cultivés d’interactions. Nous sommes dans l’économie du don de Marcel Mauss où les échanges sont déterminés par des formes de consentements et de conversion des capitaux et des avantages : il s’agit de convertir des biens en d’autres biens avec ce que cela suppose d’intérêt politique et de nécessité sociale. 

« Le fonctionnement de l’échange de dons suppose la méconnaissance de la vérité du « mécanisme » objectif de l’échange, celle-là même que la restitution immédiate dévoile brutalement : l’intervalle de temps qui sépare le don et le contre-don est ce qui permet de percevoir comme irréversible une structure d’échange toujours menacée d’apparaitre et de s’apparaître comme réversible, c’est à dire comme à la fois obligée et intéressée49. »

40 Ernest CASSIRER, The Myth of the State, New Haven, Yale University Press, 1946, page manquante.

41 Pierre BOURDIEU, « Sur le pouvoir symbolique », Annales, 1977 | 32-3, p. 405-411.

42 Jean-Claude ZANCARINI, Jean-Louis FOURNEL, La grammaire de la République. Langages de la politique chez Francesco Guicciardini (1483-1540), Genève, Droz, coll. « Cahiers d’Humanisme et Renaissance », n°94, 2009, 566 pages ; J.-L. FOURNEL, Savoir vivre et savoir dans le livre du courtisan de Baldassar Castiglione (1528). Les aléas du monde et de la politique dans la Cour impériale russe et l’Europe : dialogues de cultures, Transactions de l’Ermitage, XXVI, Saint-Pétersbourg, 2008, p. 79-94 ; J.-L. FOURNEL, « Ambiguïtés courtisanes et savoir-vivre politiques. Recherches sur le lexique du livre IV du Livre du Courtisan », De la politesse à la politique. Recherches sur les langages du Livre du Courtisan, P. GROSSI et J.-C. D’AMICO éd., Caen, Presses universitaires de Caen, 2001, p. 51-65.

43 Référence manquante

44 Idem

45 Traité du Courtisan, XVI.

46 XENOPHON, Cyropédie ou éducation de Cyrus, livre I, traduction française Eugène Talbot, 1858, p. 1.

47 Livre IV du Cortegiano.

48 CASTIGLIONE, Traité du Courtisan, 10.

Il Cortegiano et Il Principe : une méthodologie contextualiste 

Une lecture historiographique autour de l’école de Cambridge a fait de Machiavel le dépositaire d’une tradition républicaine de l’histoire de la pensée politique. Histoire incarnée notamment par G.A. Pockock et Quentin Skinner. Le premier est l’auteur consacré de The Machiavelian Moment, Florentine Political Thought and the Atlantic Republican Tradition50. Le second est l’auteur de The foundation of moderne political thought51. Cette école, dans le sillage de H. Baron52, a eu le mérite, entre autres, pour Jean Fabien Spitz de mettre fin à l’oubli d’une tradition italienne de la république que l’histoire du libéralisme européen a pour ainsi dire occulté et dont la dominance s’est associée longtemps à une certaine tradition historiographique de la culture politique italienne représentée comme « des avenues larges et bien tracées de l’histoire de la culture italienne exclusivement dans les registres de l’ordre du développement d’une nouvelle culture sociale des élites, d’une société de cour qui serait l’avant-scène de la Renaissance littéraire et artistique italienne, d’une culture européenne qui commencerait à déployer ses aspects les plus brillants dans le domaine des idées, du mode de vie et de la civilité53 ».  

Qu’en est-il de la méthode du contexte historiographique ? Le débat épistémologique et historiographique relatif à l’histoire des théories politiques se situe notamment entre les disciples de Léo Strauss et de Quentin Skinner54. Dans les années 1960, le débat fait rage entre ces deux écoles. Celles-ci interrogent les conditions de possibilités de l’analyse des théories politiques entre texte (Strauss) et contexte (Skinner, Pockock) : l’ordre du pouvoir et les idées politiques sont considérées dans leurs spécificités, soit pour en déterminer les idées et les modes de compréhensions, soit pour en fixer les situations historiques ainsi que les dynamiques sociales55. 

Ainsi il existe quatre mythologies dans l’histoire des idées politiques qu’il s’agit d’éviter pour Quentin Skinner et qui constitue pour lui des biais méthodologiques importants. La première mythologie repose sur la surinterprétation doctrinale que les auteurs de philosophies prêtent aux penseurs des temps classiques : en essentialisant la moindre formulation, même la plus conjoncturelle, et en transformant une histoire des idées politiques en histoire de la philosophie politique ou en définissant des modèles idéalistes sur tel ou tel aspect d’une pensée érigée en modèle conceptuel. Ce qui revient à priver la source de tout contexte historique, par exemple la notion de raison d’État. La deuxième mythologie suppose que l’auteur soit cohérent et qu’il ne saurait être question d’accepter ses contradictions et ses silences sur tel ou tel enjeu. Bien au contraire, le texte serait ainsi autocentré et l’auteur mis en adéquation avec la perfection logique prêté au texte. La métaphysique qu’elle suppose est de filtrer culturellement et cognitivement certains aspects jugés compatibles de l’auteur et en effacer d’autres considérés sans intérêts. L’autre biais est de vouloir assigner au texte des significations codées et implicites que seul le lecteur érudit aurait le pouvoir de déceler et de comprendre. La troisième est d’une certaine manière l’erreur téléologique, c’est à dire de voir avec des yeux contemporains les réalités des auteurs d’hier jusqu’à les considérer comme les auteurs des pires actes, de manière anachronique. La quatrième erreur est la dé-universalisation ou provincialisme qui se définit comme un mode de projection du chercheur sur le texte à l’étude et l’ajout de caractéristiques modernes à des contextes historiques. 

Comment penser Il Cortegiano dans ce moment machiavélien ? Il Cortegiano de Castiglione et Il Principe de Machiavel sont deux traités sur le comportement avec une finalité parallèle, bien que les arguments et les mécanismes rhétoriques, idéologiques soient différents si ce n’est divergents. Dans les deux cas, l’appareil discursif vise à appréhender de manière pédagogique les us et coutumes des sociétés politiques contemporaines56. Il s’agit d’une écriture qui répond à une organisation logique et linéaire afin de présenter un état réel du monde et donc suppose de répondre aux désirs et aux besoins du prince : « Je pense que le but du chef est de bien manier toutes sortes d’armes, aussi bien pour le valet que pour le cavalier, et d’en connaître les avantages. Et surtout d’être habile sur ces armes qui sont utilisées habituellement entre gentilshommes57 ». 

Un état d’un monde dont les entrelacs seraient-ils uniquement de l’ordre du souvenir et du dialogue ? De l’ordre de l’expérience politique58 pour Castiglione et du monologue pour Machiavel59. La culture classique ébranlée par les guerres et les interventions étrangères renonce à dépeindre le monde dans une dimension métaphysique (ars magna) mais vise à se souvenir. Le prince d’Il Cortegiano n’est donc pas un simple reflet de la puissance (regalia) du souverain, il est aussi le détenteur d’une vision aristocratique et chevaleresque du monde et des hommes qui le peuple : « C’est pourquoi je veux qu’il soit en bonne forme, bien proportionné dans ses membres et qu’il montre force, légèreté et rapidité, et qu’il ait la compréhension dans tous les exercices du corps qui appartiennent à un homme de guerre60 ». C’est un point commun avec Castiglione pour qui la chevalerie et l’art de la guerre sont, par le combat physique, une détermination de la noblesse. 

« Mais pour arriver à une certaine particularité, je juge que le principe et la vraie profession d’un courtisan doivent être des fêtes d’armes, que je veux surtout qu’il pratique avec vivacité, et qu’il soit connu entre autres pour sa rusticité, pour ses réalisations dans les entreprises, et pour sa fidélité à celui qu’il sert61. »

L’ordre civil du prince ne pouvant être un régime faible de civilisation, « lorsque le courtisan se trouve impliqué dans une escarmouche ou une bataille rangée, ou quelque chose de cette nature, il doit s’arroger le droit de se retirer discrètement du corps principal et de réaliser les exploits audacieux et remarquables qu’il doit accomplir dans une compagnie aussi petite que possible et devant les hommes les plus nobles et éminents de l’armée et, surtout, en présence, ou si possible, sous le regard même du prince auquel il est affecté62 ». 

Pourtant cette conception est réduite à peu de chose dans l’historiographie. En témoigne l’historiographie dominante pour qui nul question de speculum principis chez Castiglione, réduit à n’être que le détenteur de la société de cour. Ainsi pour l’historien Bernard Guillemin, alors qu’il dépeint Machiavel comme un homme lié au tumulte de son temps, l’historien décrit Castiglione sous les apparences exclusives d’un maître des ors et des usages dans le monde social : « Castiglione est tout ce que l’on veut sauf un philosophe. Le courtisan propose pour la première fois la morale qui triomphera au xviie, vaincre la passion par la raison dans une vie réglée par un pouvoir autoritaire63 ». 

49 Pierre BOURDIEU, Esquisse d’une théorie de la pratique, Genève, Libraire Droz, 1972, p. 223. 50 G.A POCOCK, The Machiavelian Moment. Florentine Political Thought and the Atlantic Republican Tradition, 1975, Princeton University Press, 575 pages ; G.A POCOCK, Le moment machiavélien, Léviathan, PUF, 1997, 576 pages.

51 Quentin SKINNER, The foundation of modern political thought, vol. 1, The renaissance Cambridge, 1978, 330 pages ; J. GROSSMAN et J.-Y. POUILLOUX, Les fondements de la pensée politique moderne, Albin Michel, Paris, 2001, 922 pages.

52 Hans BARON, Humanistic and Political Literature in Florence and Venice at the Beginning of the Quattrocento, Harvard, Harvard University Press, 1955, 223 pages ; Hans BARON, The Crisis of the Early Italian Renaissance, Princeton, Princeton édition, 1966, 700 pages.

53 Jean Fabian SPITZ, Le moment machiavélien, op. cit., préface.

54 Sophie MARCOTTE-CHENARD, « Le contextualisme de Quentin Skinner à l’épreuve du cas Machiavel », Méthodos [En ligne], 13 | 2013, consultable à l’adresse URL suivante : https://journals.openedition.org/methodos/3168

55 Quentin SKINNER, Machiavel, Paris, Seuil, 1989, 192 pages.

56 DIONISOTTI, Dalla repubblica al principato, Rivista storica italiana, 83 (1971), p. 227-263 ; maintenant DIONISOTTI, Machiavellerie, Turin, Giulio Einaudi Editore, 1980, p. 101-153.

57 CASTIGLIONE, Traité du Courtisan, 40.

58 MACHIAVEL, Histoire de Florence, in, tr. De Ch. BEC, Paris, Laffont, 1996, 1500 pages.

59 F. GUILBERT, Niccolo Machiavelli e la vita culturale del suo tempo, Bologne, Il Mulino, 1964.

60 CASTIGLIONE, Traité du Courtisan, 40.

61 CASTIGLIONE, ibid, 35-36.

62 CASTIGLIONE, ibid, 48.

63 Bernard GUILLEMIN, Anthropologie politique de Machiavel, Genève, Droz, 1977, p. 43.



Cette vision binaire qui surpolitise Machiavel pour mieux dépolitiser Castiglione se retrouve dans l’Encyclopedia universalis. Il est indiqué au chapitre de Castiglione que : 

(Si) Il Principe de Machiavel est l’homme d’une situation historique marqué par les guerres et l’instabilité politique, en revanche pour Il Cortegiano de Castiglione on ne perçoit pas dans le Cortegiano que de brefs et lointains échos […] Plus qu’un centre d’où s’exerce la force politique, la cour est dans le Cortegiano le lieu où aboutit et s’affine la culture, où l’apparat se rend inséparable du savoir, l’agrément de la dignité, où s’élabore, en un mot, un art de vivre exemplaire, de portée universelle. On ne peut rêver assemblage plus révélateur d’une vision « d’époque », de l’importance des qualités et des grades64. 

Dans notre projet de recherche, César Borgia et Frédéric de Montefeltro sont deux entités narratives, l’une fictive construite à dessein afin d’illustrer une politique, un contexte, une conception de l’État, l’autre réelle, biographique qui s’insère dans l’histoire politique italienne des xiv/xve siècles. Notre étude sera-t-elle exclusivement liée à ce dialogue entre Castiglione et Machiavel ? Où devrions-nous convoquer d’autres études de cas où l’auteur et son « prince » dessine les contours d’une pensée de l’ordre politique ? De manière plus précise Il Cortegiano et son « prince » a-t-il une continuité avec d’autres figures de souverains antérieurs ? Robert d’Anjou, par Pétrarque, serait-il un outil de comparaison historique pertinent ?   

64 Consultable à l’adresse URL suivante : https://www.universalis.fr/encyclopedie/baldassarre-castiglione/

Nasser Souleyman Gabryel 

Enseignant-chercheur, docteur en histoire politique

Universités d’El Jalida et de Cady Ayyad 


Bibliographie

Sources premières

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MACHIAVEL Nicolas, Discours sur la première décade de Tite-Live, trad. Alessandro

MACHIAVEL Nicolas, Le Prince, trad. Jean-Louis FOURNEL, Jean-Claude ZANCARINI, Giorgio INGLESE, Paris, PUF, 2014, 288 pages.  

FONTANA et Xavier TABET, Paris, Gallimard, 2004, 576 pages. 

MACHIAVEL Nicolas, Oeuvres, dir. BEC Christian, Paris, Robert Laffont, 1996, 1500 pages. 

MACHIAVEL Nicolas, Toutes les lettres officielles et familières, celles de ses seigneurs, de ses amis et des siens, trad. Edmond BARINCOU, Paris, Gallimard, 1955, 1172 pages. 

PLATON, Banquet, trad. Mario MEUNIER, Paris, Presse Pocket, 1992, 214 pages. 

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