Revue internationale

Une géopolitique littéraire de la dynastie angevine: Charles I d’Anjou, roi de Sicile, antéchrist ou soldat de dieu?

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Résumé

Notre propos concerne ce que nous prénommons une géopolitique littéraire autour du personnage historique et littéraire Charles d’Anjou et de l’oeuvre du poète et écrivain florentin Dante Daligheri. Charles d’Anjou 1226 1285 dans la représentation dont Dante nous fait part fait l’objet d’une écriture littéraire extrêmement brillante mobilisant l’ensemble de la culture de la romanitas et de Grèce Antique. Si nous reprenons la délimitation du sociologue Georges Sorel nous avons affaire à la délimitation entre mythe et utopie autour d’un personnage historique central ; Charles d’Anjou. L’Art d’Ecrire y trouve là une justification et un usage politique : celui de la circulation d’une géopolitique littéraire, où les différentes cartes mentales des récits sont construites, déplacées, transmuées, transformées : « mise en Frontière » ; dans une langue, entre plusieurs types de langues et de conceptions du monde. Nous sommes dans un régime de l’emboitement systématique ou l’identité des périodes et des idées qui tiens plus à la volonté de la distinction de l’auteur plutôt que dans la réalité des ruptures ou des mutations.


Summary

Our subject concerns what we call a literary geopolitics about the historical and literary person Charles of Anjou and the work of the Florentine poet and writer Dante Daligheri. Charles of Anjou 1226 1285 in the representation Dante tells us about is the subject of an extremely brilliant literary writing mobilizing the whole of the culture of Romanitas and Ancient Greece. If we take the delimitation of the sociologist Georges Sorel, we are dealing with the délimitation between myth and utopia around a central historical figure ; Charles d´Anjou. The Art of Writing finds there a justification and a political use : that of the circulation of a literary geopolitics, where the different mental maps of the stories are constructed, displaced, transmuted, transformed: « borderline »; in a language , between several types of languages ​​and conceptions of the world. We are in a regime of systematic interlocking or the identity of periods and ideas that are more dependent on the will to distinguish the author rather than in the reality of ruptures or mutations.



Le rôle de Charles d’Anjou et l’influence de sa dynastie dans la géopolitique italienne et mondiale ont suscité une profusion d’études notamment sur la géopolitique dynastique et ses relations avec les enjeux culturels et idéologiques 1. Entre la théorie politique de Dante (De Monarchia) et la théorie politique des Angevins 2, les interactions sont multiples et riches entre deux modèles de politique et de communautés humaines. Charles d’Anjou est un prince capétien, dynastie ayant régné en France depuis 987. Il est est le fils de Louis VIII dit le Lion (1187-1226) roi de France entre 1223 et 1226 et de Blanche de Castille (1188 1250). Notre propos interroge ici la relation entre littérature et théorie politique, littérature et imaginaire politique, à partir d’une géopolitique littéraire. Celle-ci mobilise l’anthropologie historique à propos de la relation entre le poète florentin Dante et la représentation de Charles I d’Anjou (1226-1285) prince capétien. Charles d’Anjou, roi de Sicile et de Jérusalem, est le fils de Louis VIII le lion, frère de Saint Louis IX roi de France, devenu roi de Sicile après avoir vaincu le roi en titre, Manfred (1266), puis le neveu de celui-ci Conradin en 1268. La relation entre Dante et le prince capétien pose l’enjeu de la fabrication politique et littéraire des nations, en l’occurrence l’Italie dans ce que nous surnommons la “géopolitique littéraire”, c’est-à-dire une géopolitique fondée sur l’analyse des récits narratifs avec les appareillages littéraire et rhétorique, des formes stylistiques, des césures temporels et une manière d’écrire l’histoire de son temps. Décrépitude

La géopolitique littéraire est aussi un moyen, un lieu (topos) de création de l’enjeu proprement politique, idéologique et littéraire qui interagissent dans les circulations, savants et textuels positionnements des acteurs politiques, soit sous forme de miroirs de prince, soit sous forme de constructions historiographiques susceptibles de susciter des principes idéologiques et des motivations historiques : et en premier lieu le patriotisme 3 . Par cet effet, la géopolitique littéraire modèle et remodèle la signification de la réalité par des formes de narrations et de grammaires sémantiques (de nature culturelle, politico-philosophique et symbolique). Des récits narratifs qui sont orientés et supposent des récits fondateurs et des discours antagonistes, des régimes de représentations et des ordres de signification. La géopolitique est un élément de construction d’un imaginaire national, historique, littéraire. Elle peut être constitutive d’une épopée liée à une geste telle une bataille symbolisant un marqueur national (Hastings en 1066 pour les anglais, Bouvines en 1214 pour les français, Courtrai en 1302 pour les flamands, Bannockburn en 1314 pour les écossais, Morgarten en 1315 pour les suisses). Cela suppose des personnages emblématiques, charismatiques qui synthétisent à la fois le geste d’une exception individuelle et les traits narratifs d’une nation (Guillaume le Conquérant, William Wallace, Jeanne d’Arc) des figures mythiques (Guillaume Tell) mais aussi des figures honnies, récusées comme repoussoir national (Charles le Mauvais roi de Navarre, rival de Charles V et allié des anglais, Évêque Pierre Cauchon accusateur de Jeanne d’Arc). Dans ce cadre la mémoire peut être individuelle mais aussi collective, elle peut se percevoir successivement sur ces deux niveaux. Elle peut se scinder en deux niveaux de mémoire, l’une liée à des événements, des faits et l’autre construite à partir des mêmes faits mais dont l’orientation est reliée à l’imaginaire politique ou historique. Manuel G. Jimenez lors d’une conférence à Séville en 2012, relate les rapports de la mémoire concernant Alphonse X, le sage roi de Castille (1250 à 1284) : il décrit la relation ambiguë entre la perception et la mémoire collective: Son estime de lui-même (le roi Alphonse X) et sa supériorité intellectuelle furent considérés par ses contemporains comme une superbe image quasi luciférienne, Sa personnalité orientée vers la réflexion fût considérée comme un signe de débilité, Sa manière de décider dans les affaires fût décrite comme de l’autoritarisme, et sa sensibilité artistique une frivolité impropre à un roi.

Ainsi l’image constitutive d’un itinéraire historique est pour ainsi dire percutée par l’image perceptive qui est encastrée dans des instances d’interprétations et de valeurs ; cela procède d’une manière d’écrire l’histoire, de classer les faits, d’organiser les événements et les hommes sous des dispositifs narratifs trop fermés !

Cela revient à traiter d’un sujet qui n’est pas ordinairement accolé à l’historie des relations internationales 4 . Sans revenir sur le sujet de préconception unitaire à l’identité européenne : il est à mon sens pertinent de situer l’enjeu de Charles d’Anjou et sa représentation dans la géopolitique littéraire de son temps avec en premier lieu, l’espace européen et ses multiples sociétés politiques et culturelles. Charles d’Anjou est une figure narrative de première importance dans le chef d’œuvre de Dante “La Divine Comedie”. A ce titre, nous avons cherché à mieux appréhender la figure de Dante dans d’autres oeuvres d’inspiration philosophique et politique, en particulier De Monarchia, il Convivo et De Vulgari Eloquentia.

Dans cette perspective, l’anthropologie historique permet de situer l’usage entre narration et géopolitique politique et culture : et ce au moyen de dispositifs d’écriture, de construction de récits (grammaire) centrés sur l’histoire (comme faits ou personnages historiquement datés) et la mémoire (témoignage rétrospectif vis à vis de faits ou de personnages historiques).

Pour reprendre la belle formule de Jacqueline Risset, Dante a une passion politique : « Pour lui tout es lié, et la poésie n’est pas un champ à l’écart du monde extérieur. L’apparition dans sa vie à neuf ans, de Béatrice ne signifie aucunement enfermement dans le champ amoureux ou dans celui de rêveries sentimentale et religieuse. Au contraire ce qui lui fait percevoir cette apparition, à travers l’émotion imprévisible, ce n’est pas seulement la grâce d’une figure féminine singulière, mais la présence de l’univers, et le rapport immédiat et indissoluble rentre l’univers et sa propre vie. Il s’agit alors de déchiffrer, interpréter. Et aussi de transformer » 5

A travers Virgile (l’inspiration poétique) Béatrice (l’inspiration amoureuse) et saint Bernard (L’inspiration spirituel) Dante établie sa cartographie mentale, culturelle, politique : La frontière, le conflit et enfin la paix sont constitutifs des trois royaumes (Enfer, purgatoire, paradis) : trois royaumes déterminant les figures emblématiques (Charlemagne) et des personnages honnie (Charles d’Anjou).

Pour Dante, l’art d’écrire est une “arété politiké” traduit comme par ‘vertu politique’. Lorsque celui- ci se fait au nom de l’histoire des hommes : l’écriture de l’histoire fait œuvre de commun et pose une expression publique d’une certaine vertu politique de se gouverner. Cela veut dire de conduire le « Cœur », de donner au gouvernant de lui-même ou des autres, la pleine possibilité de gouverner (“archein”) et être gouverné (“archesthai”). Le Souvenir (“anamnesis”) est un repère de cet art, il est un des fils et de l’Histoire (Divine Comédie) et de l’Amour (“Vita Nuova”). Ce souvenir est aussi mémoire politique et eschatologique de l’action des hommes, bonnes et mauvaises : dans l’attente de la justice divine. S’agit-il d’une prétention, c’est-à- dire un art à embrasser l’histoire des hommes ? Une prétention à présenter sa propre histoire (“Vita nuova”) ? Robert Paris, dans son introduction de Gramsci et des Écrits politiques, l’évoque remarquablement : L’écriture est une refonte non picturale mais photographique, elle nécessite une suite de points et de contrepoints. En effet, l’Art du Souvenir est un Art d’Ecrire aux multiples niveaux d’écriture (politique, historique) il mobilise et le mythe c’est-à-dire un imaginaire et le sens de ces multiples dimensions.

Dante a différents modèles politiques en tête dont le premier est issu de l’Ancien Testament : Salomon le souverain de la sapience divine est la source de sagesse, de pondération, de vigueur, notamment à partir de la puissance de Dieu à qui est dévolue la pleine et entière souveraineté (Exode 15.13-18). Dans le temple du roi Salomon, celui qui détient la sagesse divine est ainsi né l’Art Royal. Celui-ci porte l’excellence de la studia humanitatis : Cela conditionne une figure historique et politique du souverain qui est décrit d’abord par sa puissance de sagesse et non par sa force, par sa puissance de raison et de connaissance et non uniquement par son zèle guerrier ou ses batailles.

La figure du politique est centrée sur la figure du roi : elle se déroule à partir de plusieurs dimensions dès l’Ancien Testament. Cette conception de La royauté en tant que sapience est établie par deux échelles : la guidance gnostique (savoir spirituel et temporel) et le pouvoir politique (actions du commun. Nous retrouvons cette dimension notamment dans le Coran « A Dieu seul appartient le royaume des cieux, de la terre et de ce qu’ils renferment et Il est Omnipotent ». Sourate 5, 110 – 120 et l’Ancien Testament : « L’Eternel sera roi de toute la terre ; En ce jour-là, l’Eternel sera le seul Eternel, Et son nom sera le seul nom ». (Zacharie. 14,9). A cet effet la narration monothéiste du collectif (Ancien Testament) est déterminée autour de la notion d’alliance (pacte) entre Dieu et le Peuple (Israël).

Le roi est l’institution de la politique nationale, il est le seul moyen pour un peuple de faire face aux épreuves du temps (Samuel) mais il conditionne aussi des schémas d’acquisition et de compétition des luttes de pouvoir dans l’ordre social Il (le roi) est le pendant de Dieu et comme lui, il régule dans un cadre terrestre, les conventions et les normes de moralité entre les individus, la notion de royaume et de prophétie (Moïse) sont complémentaires et ce centre sur la notion d’élection (Juges). Le souverain est alors en charge de la guidance spirituelle et politique du peuple.

Cette figure qui sollicite l’ordre du sacré et du politique se retrouve dans plusieurs temporalités : Dans le royaume et puis empire juif de Hymar, la relation au pouvoir est parallèle à la puissance poétique, le texte de la Loi (Bible hébraïque) est conçu en adéquation avec le rôle de la narration interprétative des poètes juifs d’Arabie (Ka’b ibn al-Ashraf).

Dans la chronique des comtes d’Anjou qui nous relate la polémique au Xe entre Foulque d’Anjou et le roi Hughes Capet sur les qualités que devrait avoir un roi ; « Le comte Foulque y était parmi les autres comtes et grands personnages comme une étoile radieuse, beau de forme, haut détaillé. Comme la célébration des vigiles commençait à l’église de Saint-Martin dès le coucher du soleil, il y vint des premiers, l’âme dévote, clerc de vêtements et d’attitude, ne se laissant dépasser par personne pour les leçons, les répons et la psalmodie (…) Foulque le Bon se faisait particulièrement aimer de Dieu et des hommes, car, bien qu’il eût pour lui la force, la richesse, la gloire, en un mot tous les biens en abondance, il ne méprisait point celui qui était faible, pauvre, dédaigné.”

Foulque le sut et il envoya au roi une lettre ainsi conçue : « Au roi des Francs le comte d’Anjou. Sachez, Seigneur, qu’un roi illettré est un âne couronné. » Le roi, atteint par ce sage proverbe, dit en gémissant : « Il est vrai que la sagesse et l’éloquence et les lettres » conviennent surtout aux rois et aux comtes, car plus on est élevé, plus on doit briller par les mœurs et les lettres. »

Par l’usage de narrations sont développées une nouvelle hiérarchie des valeurs politiques. Avec une manière spéculative de définir le savoir, de le comprendre et de le développer et ensuite d’en constituer un savoir proprement opératif pour l’appliquer et le transmettre à qui de droit. Les autres nobles, fidèles aux lois mondaines, formaient autour du roi un cercle de courtisans ; mais Foulque, tout entier aux louanges divines, aux vigiles et au sacrifice de la messe, clerc parmi les clercs, plus pieux que les autres, s’occupait des choses de Dieu. Quelques nobles du palais, qui étaient auprès du roi, l’apprennent, et, stupéfaits de cette piété, ils s’en moquaient et dirent que le comte d’Anjou avait été ordonné comme un prêtre et chantait comme un prêtre. Le roi, riant avec les autres. plaisanta de cette belle conduite; avec l’usage de qualités éminentes (foi, prudence, dignité, etc) :

‘’Et il arriva que tous ceux qui, hochant la tête, s’étaient moqués d’un comte digne aux yeux de Dieu et lettré en même temps que brave guerrier, désormais le respectaient, car, s’il était fort érudit dans les lettres, les règles de la grammaire et les raisonnements d’Aristote et de Cicéron, il n’en avait pas moins le premier rang parmi les meilleurs et les plus vaillants guerriers. De même que le pauvre orgueilleux, grâce à sa perversité, est odieux à tous, de même le riche qui est humble, grâce à l’éclat de sa vertu, est cher à tous les sages.”

Le principe monarchique est défini par un pacte de confiance entre Dieu et son peuple, pacte qui est sans cesse de nature évolutive, mis en question par la nature versatile du peuple et le danger de l’oubli qui suppose la notion d’ingratitude et de méconnaissance du peuple élu vis-à-vis de Dieu. (Purgatoire ch. XX, v. 67-69-111 Paradis VI). Ce qui induit une remise en cause de la royauté dont la finalité est justement d’assurer le pacte entre Dieu et les hommes. Dans un contexte historique et idéologique marqué par un climat instable, violent avec des antagonismes, des luttes et des divisions familiales pour conquérir Florence. Cette guerre pour le pouvoir dénommé « conflit entre guelfes et gibelins mobilise les factions qui chacune sollicite l’aide extérieure de Rome (guelfes) ou de l’empire (gibelins) : il ne convient pas d’écrire seulement pour définir son cheminement il s’agit aussi de pratiquer par l’Art d’Écrire une arété politiké “une vertu politique” de la littérature : un art du possible où la littérature s’investit dans la construction d’un monde commun stable, harmonieux.

Ce qui suppose mille fils cumulatifs à l’instar de St Augustin 6 et de son ouvrage La ’’Cité des Dieux” (413-426). Dans cet ouvrage, toute l’histoire des hommes est caractérisée par une distinction fondamentale entre la cité terrestre (le monde) et la cité de Dieu (céleste).

Les deux cités (terrestre et divine) ont un développement parallèle qui relève de la double orientation existentielle de l’Homme, selon la chair ou l’esprit : soit selon soi-même, soit selon Dieu. Cette séparation rattache la cité terrestre à l’État et la cité de Dieu à l’Église : réalités essentiellement spirituelles. La notion constitutive de chaque cité est celle d’amour. L’amour de soi jusqu’au mépris de Dieu dans la cité terrestre, l’amour de Dieu jusqu’au mépris de soi dans la cité céleste. De manière personnelle et intérieure, chaque individu combat entre la cité terrestre et la cité de Dieu. À plusieurs siècles d’intervalle, Dante pose la question d’Augustin à propos du pillage de Rome par les Wisigoths : comment en est-on arrivé là ? Comment dans la Florence du XIIIème siècle trouver une stabilité, un ordre social pérenne ?

Comment appliquer les principes de la politique au sens aristotélicien « lorsque différentes choses sont ordonnées à une seule et même fin, il convient que l’une d’entre elles règle ou gouverne, et que les autres soient réglées ou gouvernées » 7. Des personnages sociaux sont établis dans ses trames, de manière explicite (Charles d’Anjou) et implicite (Henri VII). Si nous reprenons la délimitation du Georges Sorel nous avons à faire à la délimitation entre mythe et utopie, autour d’un personnage historique central ; Charles d’Anjou 8.

Ce dernier est adoubé comme chevalier à la pentecôte le 27 mai 1246. Par là même, il intègre une continuité dans l’ordre de l’honneur, quelques mois plus tard il est pourvu en apanage : l’Anjou, qui deux générations précédentes, appartenait encore aux rois d’Angleterre”.

Près de 20 ans plus tard Charles au même mois de mai le 27 de l’année 1265 quitte Marseille pour l’Italie afin d’être sacré roi de Sicile. Que reste-t-il dans la mémoire de ces dates, de ces césures ?

La victoire de Bénévent en 1266 qui suit le couronnement royal ? Sans doute, l’adoubement de 1246 et l’initiation chevaleresque du futur souverain ? Aucune interprétation n’est partie de ce momentum, le souverain roi de Sicile a effacé le chevalier 9 et ne reste dans la mémoire historique l’histoire d’un conquérant, un souverain sans peur mais qui est l’objet sujet de multiples reproches notamment de Dante que nous aurons l’occasion de développer. Charles d’Anjou est le dernier fils du roi de France : à l’adolescence son premier nom qui est Etienne est remplacé par Charles en référence à la gloire de l’ancêtre glorieux : Charlemagne. Ultérieurement cette référence se retrouvera d’ailleurs dans la géopolitique littéraire de Dante dans “La Divine Comédie” Charlemagne comme modèle narratif est un outil discriminant permettant de définir le meilleur système mémoriel possible (Dante) ou comme justification idéologique d’une politique d’amplitude géopolitique (Charles d’Anjou). L’empereur carolingien est une véritable référence idéologique de la politique impériale de Charles d’Anjou au risque d’être comparée en sa défaveur et d’apparaître comme le symbole du mauvais gouvernement, “la mala signoria”; « qui blesse toujours les peuples asservis » 10

Ainsi, une mémoire procède de ces deux types d’images ! elle est un acte présent lequel situe une action dans l’Histoire des hommes elle mobilise des imaginaires mais engage aussi le présent, lui donne une délimitation précise, et une responsabilité singulière qui peut s’apparenter à un imaginaire politique c’est-à-dire la transmission d’une narration qui ne cède pas devant la fuite du temps mais bien au contraire constitue un temps narratif perpétué, transmis, reconstruit selon et les époques et les configurations. Comme en atteste par exemple le testament du roi de Castille Ferdinand III le Saint envers son fils Alphonse X le Sage : “ Je vous laisse toute cette terre et cela jusqu’à la mer, si vous maintenez cet état avec économie vous serez un roi aussi bon que je le fûs. Si vous gagnez pour vous-même davantage de possessions, vous êtes mieux que moi; Et si notre royaume diminue, vous ne serez pas aussi bon que moi ».


1 Chercheur en Histoire politique et Socio-anthropologie, Nasser Gabriel est directeur de recherche à l’Institut Universitaire Montpensier, conseiller scientifique du CERIP (Centre d’étude et de recherche internationale sur les politiques publiques), chercheur associé au LISS Laboratoire interdisciplinaire de la faculté d’Agadir chercheur associé à l’ISTR-Pluriel, et Chargé d’enseignement à l’ICP-Aix Marseille III.
Galasso Vitolo, G., Le royaume angevin, dans Storia del Mezzogiorno, Naples, 1988, vous. IV et G. Galasso, Royaume de Naples. Il Mezzogiorno angioino e aragonese (1266-1494), in Stone d’Italia dirigé par G. Galasso, XV/1, Turin, 1992.
2 Boyer, Jean-Paul, Theorists against the Empire, The Angevin literati, La prédication de Robert de Sicile (1309-1343) et les communes d’Italie. Le cas de Gênes, in Prêcher la paix, p. 384-411. Également, Sapientis est ordinare. La monarchie de Sicile-Naples et Thomas d’Aquin (de Charles 1er à Robert), in Formation intellectuelle et culture du clergé dans les territoires angevins (vers 1246-vers 1480), éd. Marie-Madeleine de Cevins et Jean-Michel Matz, Rome, EFR, 2005 (Coll., 349), p. 277-312.
3 Urbani, Brigitte, Le thème des Vêpres siciliennes en Italie au XIXe siècle, in Soulèvements et ruptures. L’Italie en quête de sa révolution, actes du colloque organisé à l’Université de Nancy en décembre 1997, « P.R.I.S.M.I ». n°2, 1998, pp. 199-219.
4 Norbert Elias, Du temps, 1984, tr. fr. Michèle Hulin, Fayard, p. 204-206
5 La divine comédie traduction, préfacée et annotée par Jacqueline Risset p. VII, 2010
6 Le premier grand penseur à avoir réalisé la première synthèse entre les cultures antiques et gréco-romaines (la deuxième sera faite par St. Thomas d’Aquin.). Nord-Africain, Saint Augustin fut prêtre, évêque, puis un des principaux pères de l’Église occidentale. Le choc du sac de Rome en août 410 (20 ans après la conversion de l’empire romain au christianisme) marque la fin d’un Empire. On accuse les chrétiens d’avoir affaibli l’Empire romain va prendre la défense du christianisme, dans son œuvre la plus remarquable : La “Cité des Dieux’’ (413- 426).
7 Aristote, Politique, I, 5
8 Asperti S., Carlo d’Angiò e i trovatori : componenti provenzali e angioine nella tradizione manoscritta della lirica trobadorica, Ravenna, Longo, 1995. 9 D. Boutet, Charlemagne et Arthur ou le roi imaginaire, Paris, Champion, 1992.
10 Paradis, chant 8, v. 73-76


Imaginaire narratif et géopolitique littéraire : Écriture de la géopolitique des lettres

Une géopolitique, littéraire ou idéologique, a des finalités et répond à un contexte historique et sociopolitique précis. Les valeurs et normes édictées sont conditionnées par une situation historique (politiques, littéraires, stylistiques). Dans la configuration de la fin du XIII siècle et du début du XIV siècle, la puissance d’une politique se caractérise par sa force de projection politique, militaire, culturelle, dans les opérations extérieures. Dans ce contexte, la curie romaine depuis le milieu du XI siècle (réforme grégorienne), vise à unifier l’Italie autour du souverain pontife en détruisant toutes formes d’ingérences étrangères (le saint empire romain germanique). La destruction de la dynastie des Hohenstaufen répond à cette stratégie qui entend établir à Rome la centralité nécessaire à tout projet d’hégémonie politique et culturelle.

Si nous reprenions les catégories d’Antonio Gramsci faisions de la culture (en termes de savoirs, de langue et de dispositifs d’écriture) le cœur de toute politique d’hégémonie géopolitique : l’imperium de Charles d’Anjou pendant les années 1260 aux années 1280, marque l’acmé des politiques pontificales successives menées depuis le XI siècle. Afin d’une part, abattre le pouvoir impérial concurrent en Italie et s’assurer d’autre part la suprématie du Patrimonium Sancti Petri sur l’ensemble de la géopolitique italienne.

Le bouleversement de l’intervention du prince capétien en Italie marque une césure dans l’histoire politique et culturelle avec une mise à l’épreuve de différents récits sur l’ordre politique et sa stabilité sociale : quelle attitude avoir ? Concéder à la réalité et s’arrimer idéologiquement à ce nouveau contexte , la recherche légitimiste des uns qui adopte leur idéologie au nouveau prince : ou comme Dante construire ce que Gramsci aurait appelait des « contre hégémonies » des grammaires narratives susceptibles de relier singularité , commun d’un ensemble (le saint empire romain germanique) et de conception de la culture Si la culture érudite est pour ainsi préemptée par l’imaginaire et la pratique de Rome , si les armes favorisent les visées des papes successifs, si l’empire n’est plus qu’une politique résiduelle délimitée par le limes germanique alors puisque la géopolitique échappe aux visée du poète roi alors il s’agit de proposer par la création du poète une géopolitique alternative, une géopolitique littéraire des trois royaumes (Enfer, purgatoire et Paradis) à partir duquel Dante déploie les conceptions politiques du juste , de l’ordre et de l’harmonie : en distinguant les princes incarnant cette politique (Charles Martel d’Anjou) ; les princes qui s’en éloignent plus faute de talent que par réelle malignité (Charles II d’ Anjou) enfin les princes incarnant le mal gouvernement, l’hubris d’un pouvoir ivre de lui-même (Charles I d’Anjou et Frédéric II) Le 1er août 1267: Charles d’Anjou, est nommé vicaire impérial pour la Toscane par le pape, entre dans Florence sous la protection des armées de Charles d’Anjou les Guelfes sont maîtres de la municipalité à Florence. Charles d’Anjou conduit la politique de la ville durant une dizaine d’année avant la reprise en main pontificale sous Nicolas III et le gouvernorat du cardinal latino qui établit une paix de compromis en 1280 entre guelfes et gibelins.

Durant ces années de règnes en Italie du Nord et du Sud Charles d’Anjou est décrit comme le nouveau charlemagne en mission de rejeter les descendants des lombards (Manfred et les gibelins) hors de l’Italie du Nord. Charles d’Anjou qui au nom du pape a pris Florence et fût proclamé Seigneur de Florence par les guelfes le frère de Saint Louis établit un gouvernement aristocratique.

Mais son pouvoir trop rigide ne manquera pas de susciter la méfiance de son propre camp. Il fît connaitre à plusieurs occasion sa volonté de domination, aspirant à cumuler en ses mains le dominium et la possessio de Florence et de la Toscane dans son entièreté : les gibelins étant par lui accusé d’être ; Les traîtres à la couronne” ; (G. Villani, VII, 35”) et non à la commune. Les listes de proscriptions étaient dressées au nom de son autorité pleine et entière. Cette politique s’affirme sur plsuieurs dimensions sous la forme d’un politique de souveraineté publique (res in patrimonio nostro). Ceci tout en professant le plus grand respect quant à l’honneur de la ville. Tout en veillant à ne pas délégitimer ceux qu’il avait roi ils veillait à ne pas laisser le nouveau pouvoir guelfes affirmer une trop grande autonomie ou agir en contradiction avec sa propre politique : et pour ce faire il pris un soin particulier à recadrer les moindres mesures qu’il jugeait mauvaise potius ex simplicitate quam ex malitia ” Ce qui entraina du côté de guelfes une scission entre les partisans les plus radicaux de la politique de Charles d’Anjou : les guelfes noir et ceux qui aspirant à des « accommodements raisonnables » avec les parties adverses (les guelfes blancs). Ce fût dans ce contexte que Dante nettement du côté des guelfes blancs déploya sa pensée « La cité-État a rompu progressivement avec l’univers de pensée féodal, avec la théologie politique de l’empire et avec les formes institutionnelles et idéologiques de l’autorité qui en étaient le corollaire » 11. Ces tensions au sein des guelfes n’arrêtent pourtant pas Charles qui d’ailleurs mène des mesures permanente contre les gibelins notamment dans la destruction de leurs maisons et la poursuite des exilés en Toscane, il révoque des militaires fidèles à la cause impérial (Filippo de Castro) Pour ce faire le roi de Sicile s’appuie sur la bourgeoisie d’affaire dont il acte l’expansion par l’octroi des titres de chevaleries et encourage à solidifier l’accession au pouvoir municipal. De manière parallèle un nouveau parti dit « populares » se développe entre 1250 et 1260 que les historiens décrivent à partir des Delizie degli Eruditi toscani. Cette émergence sanctionne la mise en cause progressive des sociologies de la féodalité impériale : l’idéal carolingien de Frédéric Barberousse et la place de l’empire semble devenir un lointain souvenir. Nous sommes dans une configuration transitionnelle, ou l’ancien ordre socio politique se meut progressivement en un régime homogène marqué par le rôle ascendant de nouvelles élites. Ainsi il a été dit le rôle dans les villes de la bourgeoisie marchande et financière dans la structuration des clientèles guelfes, et de leur place dans l’intervention de Charles d’Anjou :

“Les marchands, artisans et banquiers sont les couches sociales qui portent l’affirmation de la Commune, et celle-ci défend vigoureusement leurs intérêts. C’est là que naît ce que les historiens des idées appellent aujourd’hui l’humanisme civique », c’est-à-dire la confluence de l’humanisme comme courant intellectuel et des traditions communales qui impliquaient une certaine liberté politique des citoyens12. Ce que déplore Dante car elle marque l’avènement pour le meilleur et le pire d’une nouvelle élite : « La gente nuova e i sùbiti guadagni orgoglio e dismisura hangenerata,Fiorenza, in te, sì che tu già ten piagni” 13

L’imaginaire politique et historique s’appuie sur nos cartographies mentales, nos relations personnelles, notre éducation, nos groupes sociaux pour se définir et façonner la manière que nous avons de nous écrire, de nous décrire, de nous comprendre. Cela permet de structurer le réel selon un registre particulier d’écriture ou par mes mots et ma manière de penser je créer le monde dans lequel je veux régner. « Charles d’Anjou » est une figure doublement narrative et historique le symbole d’une double altérité jugé à la fois comme héritier d’un dynastie étrangère présentée en tant que forme exogène au paysage politique italien et en tant que prête nom d’une conception politique fondée sur le calcul et les rapports de forces étrangère à l’idéal du christianisme chevaleresque incarné par Charles Martel d’Anjou 14

Ainsi pour l’interpretatio dominii, Charles d’Anjou est ce souverain étranger, ce roi madré et calculateur, cette figure de la politique la plus impitoyable dépositaire de la famille des capétiens « cet arbre mauvais (Purgatoire 43) qui « couvre d’ombre toute la chrétienté » si bien qu’on y cueille rarement un bon fruit (Purgatoire 44). Le prince capétien n’affirmant pas uniquement sa puissance légale (Auctoritas juris) mais aussi sa puissance d’imposition du consentement envers toute forces opposées, tout groupes adverses, tout principes jurisprudentiels autres (auctoritas prudentium).

La mise en accusation vise à diaboliser non seulement un homme mais aussi une conception de l’Etat : la puissance au service d’une politique malfaisante dont le martyr de Conradin serait l’acmé : « Charles vint en Italie, et pour pénitence, fit de Conradin une victime » Purgatoire chant XX (vers 68) détruisant ce qui restait de la cause des Hohenstaufen avec la bataille de Tagliacozzo et la décapitation de Conradin en 1268 Mais le crime ne suffisant pas à la dégradation morale Dante accuse du meurtre de Thomas d’Aquin en faisant le parallèle entre les crimes du descendant et de l’origine supposée (et fausse ) d’Hughes Capet « le descendant de boucher de paris (Purgatoire 52) « de lui sont nés les Philippe et les Louis » par qui depuis peu la France est gouvernée Purgatoire 50 51.

A l’aune de cette vision, le combat dans l’histoire universelle et l’histoire de l’Italie relève d’une lutte ontologique entre les justes de la cité de Dieu et les impies de la cité terrestre. Saint Augustin sur la base des textes évangéliques et en reprenant les théories gréco-romaines sur la guerre juste, fait appel au devoir de protection que l’empire doit accorder à l’Église contre les païens, juifs, et autres hérétiques 15.

Augustin et Dante visent à rétablir l’ordre de la cité terrestre remis en question et par Alaric roi des Wisigoths (Augustin) et Charles d’Anjou (Dante) : il s’agit de répondre par un dominus superior ; celui qui gouvernera l’ensemble de la communauté politique (corpora regni) et qui saura chasser les wisiogoths (Augustin) et les français (Dante) : l’empereur. De ce fait, il est légitime que l’autorité publique impériale intervienne pour rétablir l’unité de l’empire chrétien : « Juger les soldats qui tuent l’ennemi, est comme juger un bourreau qui exécute le criminel. Il n’agit pas de lui-même mais comme ministre de la loi. Cette loi est juste, car elle a pour but de repousser les injustes. »

Dans cette perspective, la guerre est légitime quand elle est le seul moyen de défendre le peuple chrétien. Dans cette situation intellectuelle, l’ordre naturel est la paix, et les hommes perturbent cet ordre de la nature. La guerre est donc un moyen par Dieu, pour rétablir cet ordre.

Représentation et projection du pouvoir : Pour Dante Alighieri, Charles d’Anjou serait la représentation honnie de la puissance pontificale 16, un pouvoir sans spiritualité, produit d’une pure ambition humaine et dont les populations de Provence et de Pouille se plaignent du mauvais gouvernement (Purgatoire VII).

Dans cette optique, notre propos est de traiter de la construction narrative d’un homme d’Etat et de sa dynastie : Charles d’Anjou et la dynastie des Angevins. Pour ce faire, nous userons d’une analyse des interactions entre les faits et la manière que nous avons (Dante en l’espèce) de la construire (l’Histoire) de les expliquer (les événements) de les comprendre (la politique dynastique) et d’en restituer les contextes et les problématiques (la géopolitique littéraire et historique) 17. Notre démarche vise en premier lieu à poser l’enjeu anthropologique de la géopolitique littéraire de Dante, notamment pour en comprendre les filaments et soubassements culturels.

En second lieu, il s’agira de questionner la place de Charles d’Anjou dans l’oeuvre de la Divine Comédie et les interactions que l’on peut déduire en termes de dispositifs narratifs et historiques. En troisième lieu, il est question de L’Aigle et la croix, l’empire et l’église où notre propos se situera autour des figures de l’empereur Henri VII et de Robert d’Anjou comme personnage de la géopolitique littéraire.

Il ne s’agira pas pour nous de reprendre la littérature déjà riche sur le sujet 18, mais d’interroger sous un angle d’anthropologie politique et historique, la manière que l’écriture a de façonner la mémoire historiographique et narrative sur Charles d’Anjou, homme d’Etat du XIIIe Siècle :

Miroir du Prince :

Charles I d’Anjou (1226-1285) était un prince français fils de Louis VIII le lion roi de France et de Blanche de Castille. Il est le frère de Louis IX. Son imperium a été très longtemps mis sous le boisseau de sa “réputation” négative en partie dû à Dante et à la Divine Comédie. En partie car toute une historiographie née de la poésie politique et des chroniques en Italie du Nord, en Espagne ont tôt fait de donner au roi de Sicile, la réputation dépréciative que lui-même a involontairement favorisé par son style de gouvernement jugé par ses contemporains comme brutal et autoritaire.

Souverain rigoureux avec son autorité, il est une figure du roi conquérant marqué par la référence à Charlemagne et qui peut être comparé de manière antagoniste au modèle de son frère Louis IX, le prudhomme comme les clercs franciscains l’attendent du roi et donc la référence est d’abord christique : “Le second modèle du XIIIe siècle est celui de la prud’homie, ce mixte de courtoisie et de raison, de prouesse et de modération, qui peut être porté à de grandes hauteurs religieuses. Saint Louis est un saint prud’homme, un héros courtois saisi par la dévotion, un Polyeucte médiéval” 19.

En effet, Charles d’Anjou en tant que souverain conquérant, est considéré tout à la fois comme “l’Antéchrist et soldat du pape” 20. Son personnage historique a une dimension complexe, controversé 21 et multiforme 22. Pour Paolo Borsa, ces points de vue contradictoires qui se cristallisent sur la personne de Charles illustre sa représentation complexe 23 : d’où la difficulté de l’appréhender à partir d’une seule dimension.

Le roi de Sicile était un être énergique et ambitieux, il n’eut de cesse tout au long de sa vie d’accroître ses possessions et ses puissances afin d’avoir un royaume digne de son nom.

Il est ce « lion » symbole de l’orgueil dans la Divine Comédie 24, un homme politique décidé à naviguer dans les eaux tumultueuses de la politique italienne conçu comme champ de force permanent au sens de Pierre Bourdieu 25 : Charles d’Anjou en tant que dépositaire de la cause guelfe se sait indispensable à la politique pontificale qui concevait le royaume de Sicile comme une res incorporale dont le souverain devait être un vassal respectueux de cette allégeance. Mais dès son accession au pouvoir royal en 1266 il réaffirme la politique d’indépendance de ses prédécesseurs depuis Roger II et donne à sa politique une dimension centrale au carrefour entre la papauté et l’empire, le monde chrétien et monde de l’islam, le monde byzantin et le monde latin. la relation à Rome, le royaume de France sont des invariants qu’il s’agit de maîtriser pour amplifier les capacités de projection politique autonome.

Charles d’Anjou se refuse de rester dans ce que Bourdieu aurait appelé la relation politique entre mandant et mandataire, il agit selon ses propres enjeux comme avant lui les roi Roger II et Frédéric II : mais sans jamais se confronter directement à Rome. Il s’autonomise en tant que « mandataire » du mandant impérieux qu’est le Pape. A cet effet, il s’agit pour lui de donner à son capital politique le maximum d’effet et d’efficacité. D’ailleurs Rien dans sa stratégie ou sa personnalité n’est comparable à d’autres figures de ses contemporains et la rupture et des plus nette avec son frère Louis IX : Face aux princes chrétiens la règle est de n’être jamais agresseur et de rechercher la juste paix. Ici encore saint Louis est un modèle, il est l’apaiseur au risque de se faire reprocher par son entourage ce qui apparaît comme de la faiblesse face au roi d’Aragon et surtout face au roi d’Angleterre. Mais ici encore aussi saint Louis sait être un saint de la paix tout en servant les intérêts de la monarchie française, en liant par exemple comme il l’a souligné lui- même le roi d’Angleterre au roi de France par la prestation de l’hommage 26

La guerre des guelfes et des gibelins : Charles d’Anjou a su tirer profit des querelles et des conflits entre guelfes et gibelins en devenant le champion des premiers (guelfes) mais en veillant à ne pas laisser Rome préempter toutes les possibilités d’acquisitions stratégiques et politiques. Ces guerres sont définies par l’antagonisme entre les guelfes et les gibelins dont la définition générale est conçue par le chroniqueur angevin Andrea Ungaro lors de la bataille de Bénévent en 1266. Ces appellations sont pourtant relativisées dans l’historiographie contemporaine notamment par l’historien Paolo Grillo. Le conflit entre gibelins et guelfes serait un conflit illusoire, une apparence, une chimère que trop d’historien ont essentialisé, il s’agit plutôt d’une question de lutte pour l’hégémonie et la suprématie de l’Italie du Nord entre Frédéric II et la papauté, dans les deux camps il existe une volonté continue de créer des liens de clientèles politiques dans les villes afin de dominer la géopolitique italienne

“Entre 1236 et 1250 (..)empereur et pontifes ont encouragé la formation de partis en leur faveur : ainsi, presque partout, une « partie de l’empire » et une « partie de l’Église » se disputaient le contrôle des institutions municipales. À Florence, ils ont pris le nom de « Gibelin » et de « Guelfes », des noms qui se sont ensuite lentement répandus dans toute la péninsule. La forte charge idéologique de la bataille signifiait que les deux parties ne reconnaissaient pas la légitimité de l’adversaire, étant donné que les ennemis de l’Empire étaient des traîtres et ceux de l’Église des hérétiques” 27.

L’historien en voit pour preuve le revirement de la papauté sous Grégoire X vis à vis du prince capétien : “L’un des résultats paradoxaux de la fonction essentiellement rhétorique et propagandiste des dénominations « Guelfes » et « Ghibellines » est précisément que les mêmes autorités universelles censées guider les parties ont fini par prendre des positions politiques opposées à celles-ci. Par exemple, à la fin des années soixante-dix du XIIIe siècle, le pape Grégoire X est entré en conflit avec Charles d’Anjou. Le pontife s’est donc allié avec l’empereur élu Rodolphe de Habsbourg contre Charles. Dans de telles circonstances, nous nous rendons compte de l’inefficacité de nos étiquettes : Grégoire était-il un pape « gibelin » ? Ou Rodolphe était-il un empereur « Guelfe » ? 28

Dans cette configuration Paolo Grillo décrit le rôle central du Royaume de Sicile comme acteur majeur de la vie politique d’abord à la tête de la cause gibeline (Frédéric II) puis de la cause guelfe (Charles I d’Anjou). “Ce qui “a donné une connotation « nationale » significative aux deux camps, qui ont fini par englober toute notre péninsule. Des réseaux d’alliances à l’échelle régionale ont vu le jour, qui cherchaient (pas toujours avec succès) à coordonner leurs choix politiques et militaires.

La naissance de ces liens a toutefois favorisé les divisions internes des villes : étant donné que pour Manfred et Carlo d’Angiò (Charles d’Anjou), l’existence des partis était un moyen de projeter leur autorité même dans le centre-nord de l’Italie” 29.

Néanmoins cette guerre dure et perdure tout au long de la fin du XIIIème et de la première moitié du début du XIVème. Ce conflit qui variera en grand moment d’intensité (Bataille de Bénévent victoire de Charles d’Anjou contre Manfred roi de Sicile) conduiront au déséquilibre des ordres sociaux dans les principales cités (notamment Florence) avec des régimes politiques alternatifs (républiques oligarchiques, tyrannie, gouvernement aristocratique).

Ce conflit entre empire et église conduit la papauté à une politique d’alliance vis-à-vis de la France qui se noue avec la croisade des Albigeois sous Innocent III. Alliance qui se poursuit durant toute la première partie du XIII siècle et cela jusqu’au choix par le pape français Urbain IV de Charles d’Anjou comme roi de Sicile. Ce prince polarise affects et sentiments portant sur la conception de l’Etat et qui sont retranscrits dans l’historiographie. Henri Bresc qualifie la politique de Charles d’Anjou dans le domaine de l’Etat, comme « une conception hautaine, souveraine, démiurgique, de l’État 30 ».

D’ailleurs, il met en exergue les différentes charges mais aussi politique que Charles se préoccupe d’occuper ou de mener en signe de continuité avec ses prédécesseurs Manfred mais surtout l’empereur Frédéric II :

« Une étrange continuité se fait enfin jour en politique étrangère, où le pouvoir angevin reprend les grandes lignes directrices de celle de Manfred, d’abord dans l’espace italien.(…) Au Parlement de 1266 tenu à Milan, c’est toute la Lombardie qui entre dans la sphère des ambitions angevines ; Charles nommé le sénéchal de Provence, Guillaume Estendart, vicaire de Lombardie. À son tour, dès 1269, il manifeste des ambitions sur la Sardaigne : Philippe, son fils, est élu roi de Sardaigne à Torres. Sur tous ces fronts, la politique de Charles continue celle de Manfred » 31 .

Les ambitions du frère cadet de Louis IX sont autant liées à son caractère qu’au contexte où il a déployé sa stratégie : En effet il était un cadet c’est à dire dans l’ordre politique nobiliaire un prince sans réel héritage autre que celui de pouvoir faire un beau mariage ou belle conquête susceptible de lui fournir territoire et souveraineté. C’est exactement ce qu’il fît par le mariage avec Béatrice de Provence et par la conquête de la Sicile en 1266.

Ainsi il constitua un immense royaume que la révolte de Sicile en 1282 avec les vêpres siciliennes compromis sans remettre en question durablement l’édifice.

Structure et lignage angevin : La politique angevine se fonde sur une hégémonie géopolitique autour du comté de Provence, de la couronne du royaume de Sicile, de la principauté d’Achaïe, de la titulature de sénateur de Rome, du royaume d’Albanie : qui sont autant de possessions, honneurs et statut amplificateur de puissance de la dynastie Angevine. La langue en usage dans les chancelleries et les administrations de commandement repose sur le provençal, le français c’est-à- dire du roman (ou dans d’autre dénomination la langue d’oïl) et le latin.

Cette politique est conduite par le groupe social (familiares régis) ils sont cinq selon C. Minieri-Riccio 32 : ils sont cimentés par une idéologie sociale commune, des expériences collectives, des narrations communes, des liens généalogiques et familiaux, des liens de vassalités autour du souverain suzerains forgés durant plusieurs années sur les champs de batailles et les diverses situations de crises ou de guerre (milites). Ce groupe social permets de définir une stratégie de contrôle, de sélection et de distinction des groupes socio-politiques (choisir des officiers, des fonctionnaires dans les administrations régionales, donner des avantages, des privilèges extra territoriaux, ou des saufs conduits) Dans les affaires administratives la mort de Maître Simon de Paris Chancelier du Royaume en 1273 impose au roi Charles de contrôler la transmission des biens qu’il lui avait donné et de gérer sa succession pour ce faire le souverain écrit à Maitre Pierre de Bayeux et Jean de Majol , ses clercs, conseillers et famille, à Jean da Gueson clerc et sa famille et au prêtre Bertrando,» Le roi Charles leur ordonne « de prendre et de garder tout le monde (c’est-à-dire le personnel dépendant du chancelier) , les biens meubles du défunt ». En outre Il écrit à Niccolò Frezza, maître procureur et maître portuaire des Pouilles de « prendre immédiatement possession des terres de Cerignola, de Tressanti et de Starmania, accordé au défunt à vie, et prendre et garder sous garde tous les biens meubles et matériels du défunt »

Charles d’Anjou mobilise des administrations, des hommes et des pouvoirs locaux qui sont d’autant des fils conducteurs qui créent des sentiments de communauté et un ensemble homogène de connaissances. Ces champs d’actions sont les caractéristiques de l’action politique. Celle-ci repose sur l’expression matérielle de l’expérience individuelle et collective : l’expression par des textes, des discours, des correspondances, des chroniques qui donne un sens aux relations sociale. Ainsi dans le compte rendu publié en 1873 à partir des archives angevines (détruites durant la seconde guerre mondiale) Les actes royaux, les décisions concernant les officiers, les administrations, les armées sont multiples et variés, Dans les affaires politiques, il enjoint par le sénéchal de Provence aux « barons à la noblesse de Provence qui ont des fiefs dans le royaume de Naples, d’être présent et de « bien apparaître dans le royaume, ils ne doivent pas rester en dehors du royaume (de Sicile) pendant plus d’un an, sous peine de la confiscation de leurs biens Et le souverain de leur donner rendez-vous « prochain festin de l’Assomption de la Vierge ». Dans les affaires maritimes, le roi de Sicile affirme concernant le commerce de la soie la juridiction de son autorité dans les ports et l’ordre légal prévue par l’action d’un tribunal de compétence. Dans les affaires spirituelles il est sollicité par l’archevêque de Naples pour l’acquisition de pierres afin de construire une chapelle, le roi aussitôt ordonne au bailli de Naples de « permettre au dit archevêque d’avoir les pierres prises sur les murs de la ville de Naples »

Les notions de centralité et de périphérie entre divers groupes sociaux (Factions nobles, les classes marchandes.) 33. Par exemple certains papes durant ce règne sont français, centrés sur la puissance capétienne et le rôle prédominant de la Sorbonne dans l’histoire intellectuelle de l’Europe du XIIIème : Clément IV (Gui Foulquois), Innocent V (Pierre de Champigny) Martin IV (Simon de Brion).

« Les individus qui constituent la classe dominante possèdent, entre autres choses, également une conscience, et en conséquence ils pensent ; pour autant qu’ils dominent en tant que classe et déterminent une époque historique dans toute son ampleur, il va de soi que ces individus dominent dans tous les sens et qu’ils ont une position dominante, entre autres, comme êtres pensants aussi, comme producteurs d’idées, qu’ils règlent la production et la distribution des pensées de leur époque ; leurs idées sont donc les idées dominantes de leur époque 34 ». Les élites doivent en ce sens correspondre à cette géopolitique soit par le consentement soit par la contrainte : Dans cette configuration, la notion importante reste « Chrétienté », l’occident étant d’abord une référence géographique et purement formelle. En définissant l’appartenance politique et religieuse au christianisme romain, les clercs de l’universel (notamment Cluny au XI siècle) visent à établir la frontière non seulement avec l’occident musulman mais aussi avec l’Orient chrétien des grecs.

Charles d’Anjou, un prédécesseur de Machiavel?

Charles d’Anjou est aussi “une cause” : la sienne et puis pour ceux qui désirent avoir un rôle dans l’histoire qui est en train de se faire. Il provoque des positionnements, des engagements pros et contra qui auront des conséquences majeures sur l’histoire européenne. C’est ce que souligne Cesare Mascitelli 35 dans un article intitulé “Carlo d’Angiò e poesia antiangioina: prove di nascita di un’identità europea” qui à partir de l’étude de la poésie politique de la fin du XIIIe resitue Charles d’Anjou comme un acteur majeur de l’émergence d’une conscience européenne. La poésie politique et en premier lieu Dante jouant un rôle d’unification et de conscience commune :

“uno dei più grandi apporti sostanziali della cultura medievale alla letteratura occidentale, la cui realizzazione può dirsi già compiuta con lo straordinario portato militante della Commedia 36 ”.

Le débat sur le prince capétien et les mobilisations négatives qu’il a provoquées dans le concert européen (Pierre III d’Aragon, Alphonse X de Castille, Edouard d’Angleterre) auraient permis de définir une identité politique européenne. La politique anti angevine de puissances européennes auraient constitué la sédimentation de valeurs communes et d’un combat commun envers un souverain accusé de remettre en cause l’équilibre des puissances en Italie et en Europe La Sicile a ainsi connu trois grandes époques géopolitiques, Le règne de Roger II (en tant que comte de Sicile 1105- 1130 puis en tant que roi 1130 1154), le règne de Frédéric II 1198-1250 puis le règne de Charles I 1266-1282. Par trois fois la Sicile affirme concomitamment une politique de projection de puissance avec des interlocuteurs qui furent selon les périodes des adversaires ou des alliés (Frédéric II et la papauté), des alliés et des adversaires (Roger II, Charles I et la Papauté) variant entre trois acteurs durant le XIIe Rome, Constantinople, l’empire germanique puis durant le XIII, Rome, la France, Constantinople.

A ce titre le royaume de Sicile à la fin du XIIIe siècle représente un champ des possibles, comme le fut l’Orient des croisades entre la fin du XIe la fin du XIIe, Constantinople au début du XIIIe est donc aussi une idée projective, une perspective, un horizon social et politique : qui permets de mobiliser, engager des nations, des groupes sociaux, des individus en quêtes de conquête et de pouvoir. Une possibilité historique d’accéder aux ambitions pour une génération qui pour la plupart voit la période des croisades se terminer dans un climat de fin de cycle. Ces cadets devaient mettre leur foi au service de Dieu mais c’étaient des principes temporels avec une signification purement idéale. Charles d’Anjou dérogeait à cette règle et à toutes celles qui correspondaient à cette vision si hautement portée par son frère Louis IX.

En se mettant au service du Prince capétien la guerre et les conquêtes en Italie sont des moyens d’intégration militaire, de promotion sociale et de médiation politique pour les jeunes cadets des familles de la noblesse, un moyen d’accéder aux services du Roy et un levier de puissance pour acquérir des territoires, des titres et un rang

Après la mort de Saint Louis IX en 1270 le grand historien français du XIX siècle Michelet voit en Charles la « tête » du royaume de France qu’il décrit en ces termes :

« La tête de cette maison, c’était le frère de saint Louis, Charles d’Anjou. L’histoire de France, à cette époque, est celle du roi de Naples et de Sicile. Celle de son neveu, Philippe III, n’en est qu’une dépendance » 37.

Au XIII siècle La foi et la religion sont les attributs du modèle du prince pieux. Il devait donner, gouverner par la paix, l’ordre en lien avec le pouvoir spirituel (l’Église) pour assurer le bonheur c’est à dire l’harmonie temporel aux hommes jusqu’au jugement dernier (Dante X Enfer). Ce pacte morale et politique constitue les principales caractéristiques du champ politique et des instruments idéologiques et sociaux avec lesquels il est appréhendé. Charles d’Anjou est pour ainsi dire en rupture avec le zeitgeist 38 de ce temps Et si dans sa narration historique de Michelet reconnait le roi de Sicile comme l’acteur politique majeur de son il corrige trés vite ce constat en décrivant Charles comme un souverain de Shakespeare marqué par l’hubris du prince capétien et sa chute finale :

« Charles avait usé, abusé d’une fortune inouïe. Cadet de France, il s’était fait comte de Provence, roi de Naples, de Sicile et de Jérusalem, plus que roi, maître et dominateur des papes. On pouvait lui adresser le mot qui fut dit au fameux Ugolin : « Que me manque-t-il ? Demandait le tyran de Pise. –Rien que la colère de Dieu. » 39.

Cette conception politique heurte les idéaux d’intellectuels organiques de la curie et des assemblées des clercs pour qui le prince doit être chrétien dans tous les aspects de sa vie sans séparer son rôle public de sa dévotion privé. Dans cette configuration, le poids du capital politique de Charles s’est situé nécessairement en tant que gardien de la cause guelfe dans un imaginaire historique déterminé par les Croisades Manfred et Conrad étant par la grâce du soutien pontifical considéré et excommunié comme des hérétiques en égal statut avec les musulmans.

Morale, politique et religion sont reliés de manière homologique et qui se distingue dans l’ordre de la politique en professant une politique d’intérêt et donc de refus de l’ordre dominant et condamné à se voir exclure et de la morale et de la religion. Cette loi sociale fonctionnant comme une loi d’airain s’est déjà traduite sous le règne des prédécesseurs Roger II et Frédéric II. Si Charles ne sera pas excommunié explicitement par le Saint Siège qui en avait fait son héraut, il le fera par les historiographies anti angevines et en premier lieu : la Divine Comédie désireuse de montrer l’immoralisme du souverain capétien.

Cette figure totale du rex chritianus chère entre autres à Dante participe de ce que Durkheim appelle le conformisme logique et Bourdieu les dispositions : celles-ci sont la condition de l’intégration à un ordre moral institué cela supposent des manières politiques d’être en adéquation avec l’état des mentalités et des espaces sociaux susceptibles de vous donner la légitimité et le poids symbolique suffisant pour garantir un ordre du monde est-à-dire une conception homogène (temps, espace, narration) qui rend “accord possible entre les intelligences” 40

Par conséquent, Charles d’Anjou incarne l’imaginaire politique d’une société occidentale qui affirme progressivement la force de l’Etat dans un contexte de pleine croissance économique et démographique : avec l’émergence d’une bourgeoisie urbaine et le développement d’une littérature de pensée et d’esprit (Bruno Latini, Dante entre autres) qui donnera lieu dès le XIV siècle à la première Renaissance italienne : autour de la cour de Robert I d’Anjou petit fils de Charles. Sur ce dernier point on ne peut être que frappé par la différence de traitement dans l’historiographie entre Charles et son petit-fils, l’un est présenté comme un être de manipulation et dont les actions convergentes vers l’affirmation et l’expansion de puissance, sa ruse, son habileté et son sens de la manœuvre aurait pu être présenté comme les attributs d’un homme d’État, pourtant ce n’est pas cet aspect que Michelet veut mettre en exergue :

« On a vu comment il avait trompé la pieuse simplicité de son frère, pour détourner la croisade de son but, pour mettre un pied en Afrique et rendre Tunis tributaire. Il revint le premier de cette expédition faite par ses conseils et pour lui » 41.

Dante comme Michelet ont connu les fruits amers de la désillusion politique (Napoléon III pour Michelet et les Angevins pour Dante marquent la fin d’un cycle historique qui s’ils ne furent pas vertueux (Michelet et le peuple comme héros du roman national dans tous ses aspects révolutionnaires. Dante et les conflits permanents entre guelfes et gibelins) sont néanmoins marqués par une perception éminente de la politique (L’empire pour Dante, la Révolution pour Michelet) perception dont Charles d’Anjou seraient l’antithèse la plus affirmée. Le roi de Sicile est dépeint comme un être obsédé par ses propres intérêts, froid calculateur il est un homme sans foi ni loi qui dépouille les biens des croisés décédés :

« ; il se trouva à temps pour profiter de la tempête qui brisa les vaisseaux des croisés, pour saisir leursdépouilles sur les rochers de la Calabre, les armes, les habits, lesprovisions. Il attesta froidement contre ses compagnons, ses frères de la croisade, le droit de _bris_, qui donnait au seigneur de l’écueil tout ce que la mer lui jetait » 42.

Michelet tout jacobin et républicain qu’il soit reprend à son compte la figure politique et morale du rex christainus et fait le procès en immoralisme du prince capétien. Il est présenté tel une sorte d’ogre dont l’appétit dévore tout :

« tout ce qui lui tombe dans les mains. C’est ainsi qu’il avait recueilli le grand naufrage de l’Empire et de l’Église. Pendant près de trois ans, il fut comme pape en Italie, ne souffrant pas que l’on nommât un pape après Clément IV. Clément, pour vingt mille pièces d’or que le Français lui promettait de revenus, se trouvait avoir livré, non seulement les Deux-Siciles, mais l’Italie entière. Charles s’était fait nommer par lui sénateur de Rome et vicaire impérial en Toscane. Plaisance, Crémone, Parme, Modène, Ferrare et Reggio, plus tard même Milan, l’avaient accepté pour seigneur, ainsi que plusieurs villes du Piémont et de la Romagne. Toute la Toscane l’avait choisi pour pacificateur » 43 Une puissance impitoyable et dévastatrice, serait l’image très subjective de l’historien français sur Charles. Les faits étant réduits à leur morale sans mettre en situation les contextes et les processus dynamiques propres à la politique :

« Tuez-les tous », disait ce pacificateur aux Guelfes de Florence qui lui demandaient ce qu’il fallait faire des Gibelins prisonniers [1]. [Note 1 : On n’épargna qu’un enfant qu’on envoya au roi de Naples, et qui mourut en prison dans la tour de Capoue.] » 44

Le roi de Sicile domine le système international de l’époque et le fait en utilisant toutes les possibilités concrètes de l’action politique et diplomatique ce qui déconcerte les contemporains compte tenu du fait qu’il est le « soldat de dieu », l’homme au service du Pape et le dirigeant des guelfes. Il affiche son indépendance dans les négociations diplomatiques en particulier avec Tunis ou vis-à-vis de la Hongrie, et ne prend pas la peine d’utiliser les jurisconsultes pour justifier de ses actions ni de ses intérêts. Seule sa réussite militaire semble illustrer son action et néglige toute autres démarches. La force des armes et les effets de ses victoires sur les Souabes tiennent lieu pour lui de loi naturelle étant la manifestation de la victoire divine et la légitimation de sa cause. Il use et abuse de ce que Pierre Bourdieu définit comme le capital politique « le capital politique est une forme de capital symbolique, crédit fondé sur la croyance et la reconnaissance ou, plus précisément, sur les innombrables opérations de crédit par lesquelles les agents confèrent à une personne (ou à un objet) les pouvoirs mêmes qu’ils lui reconnaissent. » 45

1267 – Le traité de Viterbe est signé entre la papauté, le royaume de Sicile. Charles d’Anjou prince capétien et roi de Sicile se voit reconnaître outre la principauté d’Achaïe la prétention au trône de l’empire latin de Constantinople, “Mais l’Italie était trop petite. Il ne s’y trouvait pas à l’aise. De Syracuse il regardait l’Afrique, d’Otrante l’empire grec. Déjà il avait donné sa fille au prétendant latin de Constantinople, au jeune Philippe, empereur sans empire” 46 .

1282 – Massacre des vêpres siciliennes, les troupes provençales et françaises de Charles sont massacrés par la population sicilienne, le rêve impérial du premier roi capétien de Sicile s’évanouit, en apprenant la nouvelle il aurait dit : « Ah, sire Dieu, moult m’avez offert à surmonter ! Puisqu’il vous plaît de me faire fortune mauvaise, qu’il vous plaise aussi que la descente se fasse à petits pas et doucement » (Villani « … Piacciati, che’l mio calare sia _a petit passi).

Le roi Charles était un formidable professeur d’énergie politique et militaire, organisateur, stratège. Il sut faire preuve de ce que Machiavel définirait comme « la virtu » qui est de saisir de manière maximale c’est à dire sans état d’âme et sans considération autre que stratégique les moindres opportunités. Il bénéficia aussi de l’autre élément majeur pour Machiavel qu’est la fortuna :

“Je n’ignore pas cette croyance fort répandue : les affaires de ce monde sont gouvernées par la fortune et par Dieu ; les hommes ne peuvent rien y changer si grande soit leur sagesse ; il n’existe même aucune sorte de remède ; par conséquent il est tout à fait inutile de suer sang et eau à vouloir les corriger, et il vaut mieux s’abandonner au sort. Opinion qui a gagné du poids en notre temps, à cause des grands bouleversements auxquels on assiste chaque jour, et que nul n’aurait jamais pu prévoir. Si bien qu’en y réfléchissant moi-même, il m’arrive parfois de l’accepter. Cependant, comme notre libre arbitre ne peut disparaître, j’en viens à croire que la fortune est maîtresse de la moitié de nos actions, mais qu’elle nous abandonne à peu près l’autre moitié. Je la vois pareille à une rivière torrentueuse qui dans sa fureur inonde les plaines, emporte les arbres et les maisons, arrache la terre d’un côté, la dépose de l’autre ; chacun fuit devant elle, chacun cède à son assaut, sans pouvoir dresser aucun obstacle. » 47 .

Charles utilisa le meilleur parti de la fortune en orientant diverses actions et dans plusieurs registres lui permettant d’accroître puissance et considération, prestige et légitimité. “Et bien que sa nature soit telle, il n’empêche que les hommes, le calme revenu, peuvent prendre certaines dispositions, construire des digues et des remparts, en sorte que la nouvelle crue s’évacuer par un canal ou causera des ravages moindres. Il en est de même de la fortune : elle fait la démonstration de sa puissance là où aucune vertu ne s’est préparée à lui résister ; elle tourne ses assauts où elle sait que nul obstacle n’a été construit pour lui tenir tête 48 ”

Ainsi, dans les archives éditées au XIX siècle (elles furent détruites durant la seconde guerre mondiale) on observe l’action concrète du prince capétien dans la mise en décision du politique. Par exemple il intervient dans les héritages testimoniaux et reprend le rôle des Souabes dans le rôle de la chambre royale dans la mise en possession de terre. Mais il s’agit aussi d’empêcher les bandits gibelins, les révoltes : à cet effet, le roi use aussi du pouvoir judiciaire et gère lui-même au plus près les dépenses des opérations militaires. En termes militaires, Charles d’Anjou commande de garder et défendre avec des galères armées le littoral du royaume de Sicile et le littoral de l’ile de Malte afin de les protéger des incursions génoises : des Génois dont il fait saisir les biens.

Il ordonne à Mathias de Plessy capitaine de l’armée destinée au siège du château de Macchia, de déménager immédiatement dans les Abruzzes avec sa famille « pour commencer le siège 15 jours après la fête de la résurrection du Seigneur et encore plus tôt si vous le pouvez et ; qui attaquez virilement les rebelles enfermé dans le château et ne les laissez pas s’échapper de vos mains » En terme administratif et politique en l’année 1273, à Avellino il écrit au chambellan du royaume Pierre de Beaumont d’enjoindre « tous les barons, nobles qui ont querelles sur les terres du royaume, de rester en leur lieux jusqu’à leur jugement sous peine de confiscation : il confère au chambellan tous les pouvoir de fixer un tel terme ».

La relation de commandement politique et militaire est l’élément premier d’une suite de décisions administratives et logistiques, Charles veille sur tous les aspects de l’action politique de sa mise en œuvre jusqu’à ses finalités et son modus operandi. Ainsi, en 1273 après une victoire militaire et la prise de forteresse, il enjoint au procureur général et au portolan (qui s’occupe de la juridiction des ports) de la Principauté, Terre de Labour et Abruzzes à « faire des recherches les plus minutieuses dans le château et dans ses environs, tant du mobilier, des provisions et des animaux, et de tout autre chose. Que les armes et les machines de guerre construits pour la conquête du château doivent être envoyées au château de Civitella pour ses munitions et toutes les autres choses et livrées au Justicier des Abruzzes »

Après la prise de la forteresse de Macchia, le roi Charles ordonna à Mathieu de Plessy de garder soigneusement les femmes des prisonniers et de les transférer au château de Civitella. Il commande que le matériel du siège construit durant l’opération militaire soit maintenu au château de Macchia avec « beaucoup d’hommes pour le garder et, assez pour le garder, congédier les autres ». En terme diplomatique et géopolitique le roi de Sicile fait feu de tout bois ainsi seulement dans l’année 1273 il envoie des émissaires recevoir le nonce du roi de Bohème en diligentant le plus bel aréopage.

Rien n’échappe à sa volonté d’affirmer la puissance et aux visées géopolitiques de Charles. Le roi de Sicile aime à imbriquer les fils, politique, administratifs, comptable sans résister à un besoin d’humilier notamment son gendre impécunieux Philippe de Courtenay « empereur titulaire de Constantinople » époux de sa fille Béatrice, qu’il stipendie d’une pension importante en vue de ses ambitions impériales mais d’une manière cavalière en lui reprochant de ne pas se plier aux usages administratifs comme un vulgaire dépendant. L’ordre de paiement destiné à ‘’Philippe fils aîné de l’empereur de Constantinople’’, de deux cents onces d’or, n’a pas été exécuté en raison de ce que Philippe n’a pas envoyé la lettre de mandat au Justicier.

Il écrit au roi de Tunis Muhammad pour un traité d’amitié mutuelle contre Gènes : « il est établi que les ennemis de chacun doivent être considérés comme des ennemis communs d’entre eux, et d’avoir à expulser de leurs royaumes, et s’ils y retournent les arrêter ». A Avellino, il commande Guglielmo di S. Onorato, Niccolò de Galiano et au notaire Niccolò di Trani, de réparer et d’affecter rapidement les navires royaux des Pouilles pour intervenir en Morée Puis il ordonne à Richard le Sarrazin de Lucera de se rendre à Brindisi avec sa compagnie de Sarrazins et d’embarquer pour Achaïe, puis le même jour il écrit aux ‘‘maîtres assermentés, aux baillis’’, aux juges et aux capitaines de la terre de Bari et la terra di Otranto pour donner le logement et tout le nécessaire à ladite milice de Riccardo et de ses Sarrasins. Et des commandes similaires sont expédiées pour faire la même chose avec la compagnie d’Abraham le Sarrasin de Lucera. Dans le même temps, il menace de peines très sévères les officiers (Guglielmo di S. Onorato, Niccolò de Galiano et au notaire Niccolò di Trani) notamment sur la confiscation de leurs avoirs si, dans le délai imparti, tout n’est pas prêt. Et pour qu’ils ne trouvent pas d’excuses en cas de négligence, il ordonne à son administration locale (Secreto des Pouilles) l’argent dont ils ont besoin. Mais, il y a des retards et Charles d’Anjou admoneste le Segreto di Puglia pour ne pas avoir pris assez rapidement en charge les commandes qui lui ont été envoyées pour l’argent nécessaire à l’armement des galères et des navires de Pouilles commandé par Guglielmo di S. Onorato et à Nicola di Galliano notamment pour ce qui concerne la construction de pont pour faire monter les chevaux; puis il lui ordonne de le faire immédiatement Exécuter (nos ordres ) et (organiser) l’armement et les munitions de ces navires (qui) doivent s’unir à la flotte devant infailliblement se mettre au service de celle de Philippe De Toucy l’amiral du royaume le premier jour de mai prochain ». Là encore en cas de retard ou de négligence les menaces de Charles sont orientées sur la destruction des personnes récalcitrante et la confiscation de leurs avoirs

A des prisonniers grecs qu’il envoie au château de Trani, il enjoint à ses officiers de leur donner un logement confortable et décent « pour tous et qu’ils soient bien traités ; cependant que ces prisonniers sont gardés avec toute la vigilance, de sorte qu’ils ne peuvent pas s’évader ». Il ordonne concomitamment au soldat Rao de Griffo de diriger les prisons du château de Trani et l’avertit qu’il sera lui-même (Le roi Charles) à Trani.

Apprenant que les Ascolans (habitants d’Ascoli) accueillent avec des victuailles les défenseurs de Macchia, le roi de Sicile aurait ordonné à Guglielmo de Groloyo, d’arrêter tous les Ascolans. La politique lorsqu’elle est conduite par cette volonté de puissance est-elle en soi l’hubris du pouvoir ?  Cet excès de puissance constitue pour Dante la principale cause de la chute de Charles. Cet excès lié à la désobéissance vis-à-vis de la mesure que Dieu constituerait conduit pour le florentin à un double risque : il est d’autant plus répréhensible politiquement qu’elle est dangereuse religieusement car elle induit une remise en cause radicale du comportement idéal de l’homme envers Dieu et donc de tout sujet (de l’humble homme au roi) envers son divin souverain. La conséquence pourrait être l’effondrement de la pyramide de l’ordre social et donc de l’ordre divin.

Au niveau politique, l’interventionnisme de Charles d’Anjou qui manquait de légitimité, est perçu comme le prince étranger dont toute défaite peut le conduire de la plénitude du pouvoir (plenitudo potestatis) à l’apparence du pouvoir (simulacrum potestatis). Comment en une dizaine d’années l’homme le plus puissant d’Italie perdit l’essentiel de sa puissance ? Comment expliquer ce revirement que Machiavel présenterait sous les couleurs de la fortune incertaine et qui pour Dante, illustre la volonté inexorable de la justice divine. Dans la divine Comédie, le roi de Sicile est décrit sous la forme du servant de la puissance papale avec ce que cela signifie de nécessités politiques mais aussi de double jeu stratégique 49.

Les papes avaient lieu de se repentir de leur triste victoire sur la maison de Souabe. Leur vengeur, leur cher fils, était établi chez eux et sur eux. Il s’agissait désormais de savoir comment ils pourraient échapper à cette terrible amitié. Ils sentaient avec effroi l’irrésistible force, l’attraction maligne que la France exerçait sur eux. Ils voulaient, un peu tard, s’attacher l’Italie. 50

Une incarnation que Dante utilise afin de permettre l’antagonisme et la confrontation envers les guelfes : “Nos mythes actuels conduisent les hommes à se préparer à un combat pour détruire ce qui existe(..) Un mythe ne saurait être réfuté puisqu’il est, au fond, identique aux convictions d’un groupe, qu’il est l’expression de ces convictions en langage de mouvement, et que, par suite, il est indécomposable en parties qui puissent être appliquées sur un plan de descriptions historiques, 51

Alors que l’empereur Henri VII qui dirige les gibelins est dépeint sous la forme d’incarnation del’utopie impériale : “ Qui a toujours eu pour effet de diriger les esprits vers des réformes qui pourront être effectuées en morcelant le système ; il ne faut donc pas s’étonner si tant d’utopistes purent devenir des hommes d’État habiles lorsqu’ils eurent acquis une plus grande expérience de la vie politique” 52.

Dans la perspective de Dante Alighieri, l’imaginaire politique s’incarne à un moment donné de l’Histoire dans des hommes mais aussi des dynasties, des institutions, des lignages. Ces différents registres fonctionnent sous des traits que l’auteur harmonise, sculpte, met en forme en autant de personnages sociaux. Ils sont les réceptacles des projections politiques mais aussi des mentalités sociales, des stratégies idéologiques. L’exemple alchimiquement pur est celui de la première dynastie des Angou et en particulier le fondateur de la dynastie : Charles d’Anjou incarnation de l’expression de la volonté et dépositaire du mythe de la papauté grégorienne :

“Les mythes révolutionnaires actuels sont presque purs ; ils permettent de comprendre l’activité, les sentiments et les idées des masses populaires se préparant à entrer dans une lutte décisive ; ce ne sont pas des descriptions de choses, mais des expressions de volontés” 53.

En effet, autour de l’oeuvre de la Divine comédie, notre démarche a consisté à interroger les relations entre d’une part, Dante et ses procédés d’écriture littéraire et politique et d’autre part, la manière qu’a l’auteur de décrire et représenter Charles d’Anjou et de manière extensive les Angevins de Naples : dynastie française devenue des princes italiens. Dans ce cadre, l’écriture de Divina Commedia est un langage à l’œuvre, le personnage historique (Charles d’Anjou) et la dynastie (Les Angevins) sont façonnés autour d’une culture littéraire, une organisation d’un corpus et d’une mémoire. C’est aussi une transposition de mondes, de plusieurs textes acquis par lui-même (Dante) et transformés en texte crée, d’un auteur à l’Oeuvre (La Divine Comédie).


11 Boutier, Jean and Sintomer, Yves, La République de Florence (12 E -16 E SIÈCLE) Enjeux historiques et politiques Revue française de science politique Vol. 64, No. 6 (Décembre 2014), pp. 1055-1081.
12 Ibidem
13 Chant XVI Enfert
14 Puccetti, Valter Leonardo, Charles Martel d’Anjou et Dante, Mémoire des princes angevins 2013-2017, 10 | mis en ligne le 29/11/2017 | consulté le 04/04/2019 | URL : https://mpa.univ-st-etienne.fr:443
15 Une partie importante de l’œuvre d’Augustin combat les hérésies. L’Église triomphante utilise ce terme pour désigner certaines tendances du christianisme naissant qui n’ont pas prévalu et s’écartent de la foi telle que la définit l’autorité ecclésiastique (notamment les Conciles). Augustin est parfois partisan de la contrainte contre les hérétiques :

“La force de la coutume était une chaîne qu’ils n’auraient jamais rompue, s’ils n’avaient été frappés de la terreur des puissances séculières et si cette terreur salutaire n’avait appliqué leur esprit à la considération de la vérité. ». Augustin en appelle à la persécution quand il est préfet militaire en charge de la répression des donatistes : « La persécution exercée par les impies contre l’Église du Christ est injuste, tandis qu’il y a justice dans la persécution infligée aux impies par l’Église de Jésus-Christ (…) L’Église persécute par amour ; les impies par cruauté …. Saint Augustin d’Hippone”.
16 Herde, Peter. 1977. Carlo I d’Angiò, re di Sicilia. In Dizionario Biografico degli Italiani, vol. 20. http://www.treccani.it/enciclopedia/carlo-i-d-angio-re-di-sicilia
17 Balint, H., Gli angioini di Napoli in Ungheria : 1290-1403, versione dall’ungherese di L. Zambra e R. Mosca, Roma, Reale Accademia d’Italia, 1938.Carozzi C., « La victoire de Bénévent et la légitimité de Charles d’Anjou », J. Paviot et J. Verger, Guerre, pouvoir et noblesse au Moyen Âge, Paris, Presses de l’Université de Paris-Sorbonne, 2000, p. 139-145.
18 Verry, Élisabeth (dir.) et Tonnerre, Noël-Yves Les princes angevins du XIIIe au XVe Siècle : un destin européen Presses universitaires de Rennes 2003, p. 322.
19 On retrouve la figure du souverain prud’homme dans la posture du petits fils de Charles: Robert D’Anjou le « rex expertus in omni scientia » roi de Naples 1309-13.
20 Borsa, Paolo, Letteratura antiangioina tra Provenza, Italia e Catalogna. La figura di Carlo I (2006) – In : Gli Angio nell’Italia nord-occidentale 1259 – 1382, éd. Comba Milan Uniscopli, pp. 377-434
21 Herde, P., Carlo I d’Angiò nella storia del Mezzogiorno, in Unità politica e differenze regionali nel regno di Sicilia, Atti del Convegno internazionale di studio in occasione dell’VIII centenario della morte di Guglielmo II, re di Sicilia (Lecce-Potenza, 19-22 aprile 1989), a cura di C. D. Fonseca, H. Houben, B. Vetere, [Galatina] 1992 (Saggi e ricerche, XVII), pp. 181- 204 : p. 181.
22 Barbero Alessandro, La multiforme immagine di Carlo d’Angiò, in “Bollettino storicobibliografico subalpino”, LXXIX (1981), pp. 107-220
23 Borsa, Paolo Letteratura antiangioina tra Provenza, Italia e Catalogna. La figura di Carlo I (2006) – In : Gli Angio nell’Italia nord-occidentale 1259 – 1382 éd Comba Milan Uniscopli p. 377-4341
24 Enfer I 24 59
25 Bourdieu, Pierre, La représentation politique, Éléments pour une théorie du champ politique Actes de la Recherche en Sciences Sociales Année 1981 36-37 pp. 3-24. “Le champ politique, entendu à la fois comme champ de forces et comme champ des luttes visant à transformer le rapport de forces qui confère à ce champ sa structure à un moment donné”.
26 Le Goff, Jacques, La sainteté de Saint Louis : sa place dans la typologie et l’évolution chronologique des rois saints [article] Actes du colloque de Rome (27-29 octobre 1988) Publications de l’École Française de Rome Année 1991 149 pp. 285-293.
27 Grillo, Paolo, La falsa inimicizia: Guelfi e Ghibellini nell’Italia del Duecento (Italian Edition) Salerno 2018 p.166.
28 Sur le site lettura .org Entretien avec Paolo Grillo 2018.
29 Paolo Grillo La falsa …, op. Cit, p. 166.
30 La chute des Hohenstaufen et l’installation de Charles Ier d’Anjou Les princes angevins du XIII au XV Siècle | Tonnerre, Noël-Yves, Verry, Élisabeth (Sous la direction), Presse universitaire de Rennes 2003 pp. 61-83
31 -Ibidem
32 – De grandi uffizioli del Regno di Sicilia dal 1265 al 1285, Napoli, 1872
33 Del Re, G., Cronisti e scrittori sincroni napoletani, II : Svevi e Angioini, Napoli, 1854
34 Marx, Karl, De l’idéologie allemande, Paris PUF 1952 p. 32
35 Mascitelli, Cesare, https//:doi.org/10.7358/ling-2018-001-masc cesare.mascitelli@unamur.be
36 Ibidem
37 Michelet, Histoire de France 1870, Troisième Tome, Paris Flammarion, p.1
38 Esprit du temps selon Hegel.
39 Michelet Histoire de France, op. cit, p.1
40 Bourdieu, Pierre La représentation politique Éléments pour une théorie du champ politique Actes de la Recherche en Sciences Sociales Année 1981 36-37 pp. 3-24
41 Michelet, Histoire de France 1870 Troisième tome Paris Flammarion P2
42 Michelet, Histoire de France 1870, Troisième tome Paris Flammarion p.1.
43 Idem p.2.
44 Ibidem.
45 Bourdieu, Pierre, La représentation politique, Éléments pour une théorie du champ politique Actes de la Recherche en Sciences Sociales Année 1981 36-37 pp. 3-24
46 Michelet, Histoire de France, 1870 Troisième tome Paris Flammarion p.2
47 Machiavel, Le Prince, Chap. XXV, tr. fr. J. Anglade, Le Livre de Poche.
48 Machiavel, Le Prince, Chap. XXV, tr. fr. J. Anglade, Le Livre de Poch
49 Arnaldi G., « La maledizione del sangue e la virtù delle stelle. Angioini e Capetingi nella “Commedia di Dante” », La Cultura, XXX, avril 1992, p. 47-75, et août 1992, p. 185-216
50 Michelet, Histoire de France 1870, Troisième tome Paris Flammarion P3
51 Sorel, Georges, Réflexions sur la violence. Texte de la 1re édition, 1908. Paris : Marcel Rivière et Cie. Réimpression de la première édition, 1972, 394 pp. Collection : Études sur le devenir social. Edition électronique aqam.ac 14 01 2014.
52 Sorel, Georges, Réflexions sur la violence, op.cit., p. 394.
53 Ibidem.


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